Philipp Lahm, il y a quatre capitaines de l’Allemagne dont tous les amateurs de football allemand connaissent le nom : Fritz Walter, Franz Beckenbauer, Lothar Matthäus, et Philipp Lahm. Vous considérez-vous comme une légende vivante à leurs côtés ?
À vrai dire, je ne crois pas en être arrivé là. Mais c’est agréable de figurer dans cette liste.
En 2006, on parlait du "conte d’été" allemand. Quatre ans plus tard, la Coupe du Monde en Afrique du Sud montrait à nouveau l’Allemagne comme un pays ouvert et optimiste. Aujourd’hui, un magazine allemand titre : "Nous sommes redevenus… qui donc ?" Le football a-t-il changé l’Allemagne ?
Je ne sais pas si c’est l’Allemagne qui a changé le football ou le football qui a changé notre pays. Je pense que les deux vont de pair.
1954, 1974 et 1990 ont constitué des étapes majeures dans l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre. Comment se souviendra-t-on de l’année 2014 ?
Si je dois prendre notre équipe pour symboliser l’Allemagne de 2014, je dirais qu’elle incarne la stabilité, l’engagement et l’esprit collectif. Cette équipe est très douée, elle repose sur un mélange efficace et il y a de jeunes talents qui arrivent, prêts à s’affirmer.
Depuis peu, le monde du football semble adorer l'Allemagne. Comment se manifeste cette sympathie pour vous ?
Je pense que ce sont surtout du respect et de la reconnaissance qui nous sont manifestés à mon équipe et à moi. Cette sympathie repose sur les prestations que nous livrons et le fair-play dont nous faisons preuve.
Vous êtes la figure de proue d’une nouvelle génération de joueurs, la génération Lahm. Sur quoi repose ce nouveau type de joueurs, que l’on pourrait qualifier de "progressif" ?
Nous avons certainement profité du fait que l’Allemagne a investi dans la formation des jeunes talents ces dix ou 15 dernières années. Tous les clubs de Bundesliga ont désormais un centre de formation, l’entraînement est devenu plus intensif et plus professionnel et les entraîneurs sont des techniciens de métier, des personnes qualifiées. À chaque génération, l’Allemagne a produit des joueurs talentueux, mais ces dernières années, nous avons aussi progressé au niveau tactique. Notre réussite en Coupe du Monde légitime les structures que la Fédération allemande a mises en place avec les clubs.
Votre entraîneur au Bayern Munich, Pep Guardiola, vous a décrit comme le joueur le plus intelligent qu’il lui ait été donné d’encadrer. Un magazine a écrit sur vous : "Son football posé et solide repose sur sa grande régularité au niveau technique et sur sa lecture du jeu incontestablement excellente."
Comment jugez-vous ces compliments?
Ce que je sais, c’est que c’est un plaisir d’avoir des discussions pointues sur le football avec Pep Guardiola. C’est exceptionnel. Au cours de ma carrière, j’ai toujours eu des entraîneurs qui m’ont apprécié et soutenu. J’ai le sentiment que les fans aiment la manière dont je joue au football. Je trouve donc pour ma part que je ne manque pas de reconnaissance.
Accepteriez-vous de nous dévoiler vos faiblesses, les points sur lesquels vous pourriez être encore meilleur ?
Dans le rôle de latéral gauche, confronté à des centres affûtés alors que je devais défendre du pied gauche, j’avais des difficultés. C’est pour ça que je ne joue plus au poste d’arrière gauche. Quant à mes faiblesses en tant que latéral droit ou milieu défensif, je ne vais sûrement pas les confier ! C’est à mes adversaires de les découvrir. (rires)
Il y a une chose que l’on pourrait éventuellement attendre de vous : que vous inscriviez un but de temps en temps. Comment se fait-il que vous marquiez si peu ?
Un milieu défensif ou un défenseur latéral est plus un passeur qu’un buteur. C’est lié à mon poste et c’est dans ce rôle que je me sens le mieux. Je n’ai jamais été un finisseur.
Avez-vous travaillé très dur pour arriver là où vous en êtes aujourd’hui, sur le toit du monde ?
Je suis un joueur très discipliné, c’est certain, mais je pense aussi que le football repose sur le talent et la personnalité. C’est une vraie chance de disposer naturellement de certaines facultés.
Votre avez fortement marqué le système de jeu du Bayern Munich au fil des années. Quelle part aviez-vous dans la Nationalmannschaft de Joachim Löw ?
Une équipe ne fonctionne que si un entraîneur a un projet clair et met ses idées en pratique en travaillant avec le groupe. Il faut aussi des joueurs qui soient capables d’appliquer les consignes ou, le cas échéant, de leur apporter des corrections et ça ne marche qu’à travers un réel échange. Le meilleur des systèmes ne peut fonctionner que si on travaille constamment à l’améliorer et s’il est suffisamment souple pour ne pas empêcher les individualités de s’exprimer, mais suffisamment strict pour que l’équipe ait un esprit collectif.
Dans votre autobiographie "Der feine Unterschied" (La subtile différence) parue en 2011, vous écriviez : "Le succès est une question de maturité." Vous sentez-vous mûr aujourd’hui, en tant que joueur et en tant que personne ?
En tant que joueur, on peut toujours trouver quelque chose à améliorer, mais je pense que grâce à mon expérience et au bien-fondé des décisions que j’ai prises, je suis arrivé au zénith de ma carrière. En tant qu’individu, je me vois toujours comme un jeune homme qui prend pour modèles ses parents, sa famille, ses amis et ses connaissances. Je crois que je vais continuer à m’appuyer sur eux encore un peu...
Vous dites que la maturité consiste à savoir saisir chaque opportunité qui se présente. Comment mettez-vous cette idée en pratique au quotidien ?
J’ai dit cela à propos de ma vie de footballeur. Dans un cadre plus large, la maturité est une qualité qui n’est pas facile à décrire à travers un exemple. Même des équipes expérimentées qui se projettent vers leur objectif et qu’on dit mûres ratent des occasions de but et ont besoin d’une petite part de chance pour réussir, mais ce qui compte, c’est qu’elles aient foi en leurs qualités. Cette confiance doit augmenter au fil des ans.
Y a-t-il eu un moment au Brésil où vous avez douté de vous ou de la maturité de votre équipe ?
Non. C’était mon rôle de croire en moi et de mettre en avant les points forts de l’équipe. Dans un tel tournoi, il n’y a pas de place pour le doute.
L’annonce de votre retraite internationale a été une vraie surprise. Saviez-vous avant la Coupe du Monde au Brésil que cette compétition serait votre dernière avec la sélection ?
Oui, j’ai réfléchi tout au long de la saison passée à cette décision d’arrêter après la Coupe du Monde. Je suis heureux et reconnaissant que la fin de ma carrière en équipe nationale coïncide avec ce titre mondial conquis au Brésil. Pour moi, c’est le bon moment, tout simplement.
Vous avez commencé très tôt à assumer des responsabilités et à exercer de l’influence. Que préférez-vous, avoir du pouvoir ou avoir des responsabilités ?
Ni l’un ni l’autre. C’est une sorte de sens du devoir qui me pousse à essayer de faire les choses bien. Ça implique notamment de prendre position, d’agir et de prendre des décisions. Tous ceux qui ont des responsabilités à assumer ont déjà vécu cela.
Le brassard de capitaine a toujours eu une signification importante pour vous. Si vous travailliez dans une entreprise, vous en seriez peut-être le PDG. Quelles sont les qualités d’un manager moderne, selon vous ?
Il est important à mes yeux de s’impliquer et de contribuer à la réussite. Quand on réussit à le faire sur le long terme, on devient un exemple, on a de l’influence sur l’équipe, sur l’entraîneur et sur le club. C’est ça que je considère comme moderne.
Vous donnez l’impression d’être un modèle de politesse et de discipline. Craignez-vous les conflits ?
Je suis en tout cas d’avis qu’il vaut mieux éviter les conflits qui ne font avancer personne. Ça requiert effectivement une certaine discipline. Mais je n’ai jamais eu de mal à exprimer clairement mon point de vue et je n’ai jamais eu de problème avec le fait de devoir accepter des compromis. Je ne crois pas qu’il y ait une solution miracle, je crois que chacun doit toujours essayer de faire un pas vers les autres.
Vous avez pris position sur divers sujets de société, comme le coming out des footballeurs homosexuels, ou la situation politique en Ukraine. Pensez-vous porter une responsabilité sur le plan moral ?
Je suis footballeur et la façon dont on me perçoit sur le terrain sera toujours plus importante pour moi. Si je fais mon travail sur la pelouse, alors je peux me permettre de temps en temps de prendre position sur des sujets de société.
Que retiendrez-vous de la Coupe du Monde de la FIFA, Brésil 2014, en dehors du trophée ?
L’enthousiasme exaltant des gens pour le football.
Hormis votre titre mondial, quel a été le plus beau moment de vos dix dernières années avec l’Allemagne ?
Mon premier match international : le moment où j’ai été appelé en sélection, la première fois où je suis entré sur le terrain sous le maillot national et où j’ai entendu l’hymne allemand. Jouer pour son pays, c’est ce que souhaitent tous les jeunes sportifs, ce dont on rêve quand on est enfant.
Vous avez atteint les objectifs que vous vous étiez fixés il y a trois ans : remporter la Ligue des champions avec le Bayern Munich et la Coupe du Monde avec l’Allemagne. Comment voyez-vous la suite ?
Je ne sais pas. Je n’ai que 30 ans. Je vais d’abord partir en vacances. Ensuite, je serai heureux de retrouver le Bayern. Ce qui est sûr, c’est que je prends toujours beaucoup de plaisir à jouer au football.
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