En marge de la cérémonie de la remise du trophée du Meilleur joueur algérien en 2016, et comme le veut la tradition, le lauréat a accordé au Buteur et El Heddaf une longue interview. Riyad Mahrez, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a accepté de se confier en exclusivité pour nos lecteurs et d’exprimer pour la première fois dans les médias sa décision de quitter son club de Leicester City cet été. Le joueur a parlé de ses objectifs futurs et de son envie de jouer la Ligue des champions tous les ans. Il est revenu aussi avec nous sur sa saison compliquée et celle de son club en Premier League et beaucoup d’autres sujets intéressants à lire dans cette première partie de l’interview.
Tout d’abord, félicitations pour ce deuxième trophée de meilleur joueur algérien du Buteur et El Heddaf consécutif !
Merci à vous, c’est gentil.
Quel est votre sentiment d’avoir remporté à nouveau ce titre de meilleur joueur algérien de l’année ?
Déjà je suis très heureux d’avoir gagné ce trophée pour la deuxième fois consécutive. Ça fait toujours plaisir d’être considéré comme le meilleur joueur algérien de l’année. C’est un véritable honneur pour moi, je suis ravi.
C’est toujours la même joie de remporter ce trophée ?
Oui, c’est toujours la même joie. Après, c’est clair qu’on se souvient toujours de la première fois dans tout ce qu’on entreprend dans la vie. Je prends les deux récompenses de la même manière. Je le redis, c’est un honneur pour moi d’avoir été élu une nouvelle fois meilleur joueur algérien. C’est que du bonheur, je dirais.
Que de chemin parcouru depuis votre arrivée en sélection il y a trois ans maintenant. Champion d’Angleterre avec Leicester, meilleur joueur de Premier League, double vainqueur du meilleur footballeur algérien. Est-ce que vous sentez à présent que vous avez réellement changé de statut et qu’à présent, vous êtes devenu un cadre indéboulonnable de la sélection nationale notamment ?
J’estime qu’il n’y a pas de joueurs indiscutables, ni de cadres indéboulonnables. J’essaye de faire mon travail et aider la sélection. Après, c’est vrai que ces deux dernières années ont été très riches pour moi dans tous les sens du terme que ce soit avec Leicester, l’Algérie ou même avec les trophées individuels que j’ai gagnés. C’est très bien mais il faut continuer comme ça et ne pas se dire qu’on est arrivé. Rien n’est acquis. Dans le football tout va très vite. On peut être en haut et l’année d’après, on peut complétement t’oublier. Il faut rester humble et concentré jusqu’au bout dans tout ce qu’on fait.
C’est peut-être par rapport à ça alors que vos sorties médiatiques se font de plus en plus rares depuis quelques mois. Vous préférez rester dans l’ombre ?
Oui, c’est clair. J’essaye de moins parler. On sait tous comment fonctionnent les médias. Ça peut toujours mal interpréter les choses et les paroles. Après, moi, à la base, je ne suis pas quelqu’un qui s’exprime beaucoup. Je me rappelle quand je suis venu en sélection, j’ai accordé quelques interviews car j’étais nouveau et j’étais obligé en quelque sorte de me faire connaître auprès du public algérien. Sinon, je vous le répète, je suis quelqu’un de discret, qui avance tout doucement mais sûrement.
En deux ans vous avez gagné beaucoup de trophées et participé à la Ligue des champions. Êtes-vous rassasié ou vous avez toujours faim ?
Évidemment que j’ai toujours faim de gagner des titres, de progresser, d’apprendre encore et de jouer tous les ans la Ligue des champions. Ce n’est pas parce que je l’ai faite une fois que c’est bon. Comme je l’ai dit, rien n’est acquis. Je suis honnête avec moi-même, très humble. Je ne me prends pas pour quelqu’un d’autre. J’essaye de faire mon boulot le plus sereinement possible. Je n’ai rien fait encore dans le football. Je me suis montré un peu et j’ai commencé à faire quelque chose oui, mais il me reste beaucoup à prouver. Je dois continuer à travailler car je sais que j’ai encore beaucoup de marge de progression.
Janvier 2016 après avoir remporté votre premier trophée de meilleur joueur algérien, vous nous disiez que remporter la Premier League avec Leicester, c’était une chose quasiment irréalisable. La saison 2016-2017 a été plus compliquée pour vous et votre club. Maintenant avec du recul, est-ce que vous mesurez l’étendue de l’exploit que vous avez réalisé en empochant ce titre de champion d’Angleterre ?
C’est sûr que c’est avec le recul qu’on se rend compte qu’on a été champion d’Angleterre avec une équipe qui n’était pas forcément, pas du tout même, programmée pour jouer le haut du tableau et encore moins le titre. On sait qu’on a réalisé un truc d’inimaginable. On l’a fait ensemble, on a été un groupe solidaires, on avait conscience de nos qualités, de nos défauts aussi. On ne se prenait pas pour des autres. On a été efficaces, on a été forts dans une année ou les grands clubs étaient mois forts. Tous ces petits détails ont fait la différence et c’est ce qui nous a permis d’être les champions d’Angleterre. Jusqu’à aujourd’hui, c’est le meilleur souvenir de ma carrière.
Champion d’Angleterre en 2016, Leicester City a cependant connu beaucoup de difficultés cette saison. Comment expliquez-vous cela ?
Cette année a été compliquée pour nous. D’une, on a très mal commencé le championnat et cela ne nous a pas aidés. Ensuite, il y a la Ligue des champions. C’est la première fois pour tout le groupe ou presque qu’on joue cette prestigieuse compétition. On jouait tous les trois jours, des matchs très intenses en plus. En Ligue des champions, tu laisses beaucoup de forces. Après, on ne va pas chercher des excuses ou se cacher derrière des trucs. On a fait six premiers mois très difficiles. On a su se reprendre après et à un petit point, on aurait pu finir huitième ou neuvième au classement. On finit en quart de finale de la Ligue des champions, ce qui n’est pas rien et on est tout près du top 10 en championnat. Pour moi, ce n’est certes pas une saison réussie, mais une bonne saison pour un club comme Leicester.
Un retour à la normale quoi ?
On ne va pas faire la fine bouche. On sortait d’une saison où on avait été les meilleurs d’Angleterre, donc, peut-être que les gens attendaient qu’on fasse encore des choses exceptionnelles, mais bon. On était conscients de nos qualités et on savait qu’on ne pouvait pas refaire le même exploit. On s’est dit qu’on allait essayer d’accrocher le top 10 et aller le plus loin possible en Ligue des champions. C’est ce qu’on a fait.
Sincèrement, personnellement est-ce que vous avez douté. Avez-vous eu peur à un moment donné de la saison que Leicester descende en Championship surtout après avoir enchaîné les défaites ?
C’est sûr que lorsqu’on commence à perdre beaucoup de matchs, on commence à titiller le bas du tableau. On commence à se poser des questions. C’est comme quand on est en haut, quand on reste longtemps entre la première et la deuxième place au classement. On se dit pourquoi on ne gagnerait pas le championnat…
Donc, vous avez douté ?
Ouais… pas douté, mais tu te dis : «Hé les gars, il faut qu’on se réveille là !» On ne sait jamais. Le football, ça va tellement vite. Comme je l’ai dit, tu peux être en haut et le lendemain, t’es rayé, on t’oublie. Voilà, c’est clair que ça a été difficile mentalement, mais après, avec notre équipe, on est restés solidaires et costauds mentalement. On est passés par beaucoup de difficultés durant les précédentes saisons. Tout ça nous a forgés. On savait qu’on était dans le dur, mais on est revenus quand même et tout le monde est à féliciter.
Le départ de Claudio Ranieri a fait couler beaucoup d’encre au sein des médias européens. Ces derniers n’ont pas hésité à révéler que certains joueurs du club étaient derrière le départ du coach italien. Avec un peu de recul à présent, pensez-vous qu’il y a une part de vérité dans tout ça?
Non, il n’y a pas de part de vérité dans tout ça. Ce qu’ont dit les journaux, genre ce sont les joueurs qui ont évincé le coach, non, c’est complétement faux. C’est le président qui a pris la décision de le limoger et personne d’autre. Après, on ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur du club, mais je peux vous dire qu’aucun joueur n’est parti voir le président pour lui demander de virer Ranieri. Le président a de l’expérience et il connaît très bien son club et l’équipe. S’il a jugé qu’il fallait virer le coach, c’est son choix. Moi, je ne vous cache pas que j’étais vraiment triste de perdre le coach. C’était quelqu’un de très important pour moi. Il m’a donné beaucoup de responsabilités dans ce club. C’est triste, mais il fallait s’adapter. On est des footballeurs et on doit rester professionnels jusqu’au bout. Nous devons respecter les décisions du président. On devait avancer. Maintenant, on ne va pas dire qu’il a pris la bonne décision, mais on s’est maintenus au final. Les résultats lui ont donné raison.
Il y a trois ans vous nous disiez que votre plus grand rêve, c’était de jouer la Ligue des champions. Maintenant que vous l’avez disputée, on imagine que votre objectif est de la jouer chaque année, n’est-ce pas ?
Oui, comme je vous l’ai dit, la Ligue des champions est une compétition exceptionnelle à jouer et à vivre. Je l’ai vécue la première fois avec Leicester. C’était la moindre des choses de le faire avec ce club. C’est Leicester qui m’a permis de me faire un nom en Europe et dans le monde entier. C’est aussi grâce à ce club que j’ai atteint ce niveau. J’ai pu jouer la Ligue des champions, nous qualifier en huitièmes de finale, puis en quart de finale. Nous avons affronté de grands clubs et de grands joueurs. La Ligue des champions, c’est un objectif pour moi de la jouer tous les ans. Quand on veut titiller le très haut niveau, ça passe par jouer cette compétition chaque année.
Vous le savez très bien. Leicester City a terminé la saison à la 12e place. Le club n’est du coup pas qualifié pour la jouer la saison prochaine. Est-ce que cela peut être un facteur déterminant quant à votre possible départ du club cet été ?
Je me suis mis d’accord avec le président du club l’année dernière. Il m’avait dit que je faisais un an de plus et qu’il me laisserait partir ensuite. Je pense qu’il est temps pour moi de partir et de connaître autre chose. J’ai tout vécu dans ce club. Je suis monté de Championship en Premier League. J’ai fait un maintien exceptionnel l’année d’après. J’ai gagné le championnat. J’ai été élu meilleur joueur de Premier League. J’ai fait la Ligue des champions avec mon club. On a fait des choses vraiment exceptionnelles. Pour moi, il est donc temps de partir. Après, on verra. Je n’ai pas très envie de rentrer dans les détails. On verra ce que l’avenir nous réserve inch’Allah.
Le mercato n’a pas encore débuté en Europe, mais malgré cela, on vous annonce partout. La presse internationale assure que tous les gros clubs d’Europe s’intéressent à vos services. Sans vous demander trop de détails, pouvez-vous nous confirmer si réellement il y a eu des contacts officiels de la part de ces géants européens ?
Oui, il y a toujours des contacts. Même l’année dernière quand je ne suis pas parti, il y a eu des contacts. Après, je ne suis pas là pour dire quel club est venu me voir, me parler. Franchement, même moi, je ne sais pas encore. Je suis toujours à Leicester pour l’instant, il me reste encore mes années de contrat. On verra ce que l’avenir me réserve. Moi, comme je viens de vous le dire, j’ai envie de partir, mais si je dois rester, c’est la vie. Ce n’est pas une catastrophe aussi. Croyez-moi et je vous réponds sincèrement, je ne sais pas encore où je vais jouer la saison prochaine.
Une chaîne de télévision sportive française vous a surpris avec Islam Slimani dans les vestiaires de l’Etihad Stadium de Manchester City où vous lui disiez sur Chelsea que c’est un vrai club. Beaucoup ont fait le rapprochement avec ce club et ont avancé que votre souhait est de le rejoindre la saison prochaine, sachant que l’entraîneur Conte vous apprécie beaucoup…
(Il sourit) Franchement, je ne parlais même pas de Chelsea. On était dans les vestiaires de Manchester City quelques minutes avant notre match face à cette équipe et en regardant justement les vestiaires j’ai dit à Islam : «Regarde, ça c’est un grand club. Tu sens dans les vestiaires et dans les couloirs que c’est un grand club.» Je ne parlais pas de Chelsea. Les gens ont mal compris.
Arsene Wenger, l’entraîneur emblématique d’Arsenal, a fait des déclarations récemment où il vous a beaucoup encensé. Il a déclaré notamment qu’il apprécie beaucoup votre style de jeu. Concernant une offre, il a dit qu’il n’y avait encore rien d’officiel, sans pour autant fermer la porte quant à un possible transfert chez les Gunners. Vous répondez quoi à ça ?
C’est toujours flatteur de recevoir des compliments et un grand honneur pour moi. Wenger est un grand entraîneur, mais après, comme il l’a dit, il n’y a rien de concret. Ce sont juste des paroles. Vous savez, entre ça et les offres, il y a beaucoup de marge. Pour l’instant, il n’y a rien, je vais donc m’abstenir de trop m’attarder sur ça.
On va insister un peu. Maintenant que vous avez officialisé votre départ de Leicester. Votre préférence est de rester en Angleterre ou bien connaître un autre championnat ?
Franchement, je ne sais pas du tout.
Même pas une petite préférence ?
Sincèrement, je ne peux rien vous dire dans la mesure où je ne sais pas où je vais jouer la saison prochaine. Laissons le temps faire son travail et on verra d’ici quelques semaines.
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