«En montant sur la tribune pour chercher la coupe, j’avais senti que le défunt président Boumediene était dans tous ses états»
«Un responsable du protocole m’a informé que je ne devais pas lui serrer la main en premier»
«Le défunt président Abdelkader Khalef avait ramené un bijou d’At Yenni que j’ai remis en main propre au président Boumediene»
«Le Clasico MCA–JSK de 1983 restera l’affiche référence de tous les temps entre les deux vieux clubs»
«Le 1er mai prochain, je serai de tout cœur avec la JSK à qui je souhaite de remporter la coupe»
L’ex-international de la JSK, Mouloud Iboud, qui a passé toute sa carrière footballistique à la JSK, est le premier capitaine kabyle qui a soulevé la Coupe d’Algérie face au NAHD en 1977. Iboud a remporté beaucoup de titres à l’échelle locale et continentale, mais avoue que la 1re Coupe d’Algérie avait un goût spécial. Plusieurs années après, Iboud n’a rien oublié de ces moments qu’il a passés à la JSK, notamment les confrontations face au MCA. Pour cette 10e finale de son club de cœur, Iboud souhaite la consécration à la JSK pour que la fête soit grandiose à travers tout le territoire de la Kabylie. Entretien.
Dans cinq jours seulement, la JSK jouera sa 10e finale de la Coupe d’Algérie. Quel est le sentiment qui vous anime à l’approche de ce rendez-vous sportif spécial pour toute la Kabylie ?
C’est un sentiment de fierté qui m’anime et qui anime tous les anciens joueurs de la JSK, toutes générations confondues. Cette 10e finale, que jouera la JSK jeudi, le 1er mai prochain, face au MCA, est une autre étape historique qui marquera le riche palmarès de notre cher club. Toute la Kabylie, non pas à Tizi Ouzou seulement, est en effervescence depuis la qualification en finale et tous les supporters seront derrière leur cher club pour remporter cette coupe.
C’est une première finale qui opposera la JSK au MCA en Coupe d’Algérie. Quelle sera la particularité de cette rencontre, à votre avis ?
Effectivement, c’est une finale de Coupe d’Algérie inédite dans l’histoire des confrontations directes entre la JSK et le MCA, n’empêche qu’il y a lieu de souligner que, depuis la nuit des temps, les matchs qui ont opposé la JSK au MCA, que ce soit à Tizi ou à Alger, étaient des finales, même s’il n’y avait pas de trophée en jeu. Ceci pour vous dire que les matchs entre ces deux équipes sont, depuis toujours, caractérisés par une forte rivalité.
Vendredi dernier, la JSK s’est inclinée face au RCA par quatre buts à trois en déplacement, tandis que le MCA a gagné face au CABBA (1-0). Sur le plan psychologique, les Mouloudéens partent avec un léger avantage. Quel est votre avis ?
Oui, je pense que le match joué vendredi après-midi par la JSK était important à tous les niveaux. Tout d’abord, il fallait le gagner pour consolider la deuxième place, qui offre l’occasion de jouer la saison prochaine la Ligue des champions ; puis, sur le plan psychologique, une victoire face au RCA était souhaitée. À mon avis, les joueurs avaient peut-être la tête à cette finale. Pour sa part, le MCA a réalisé une bonne opération, sa victoire va assurer un ascendant psychologique sur ses joueurs. Ceci dit, ça ne sera pas le même contexte et d’ici jeudi prochain, je pense que le staff de la JSK trouvera des solutions.
Quel sera, selon vous, le rôle du staff technique kabyle cette semaine ?
Les membres du staff technique, Aït Djoudi en particulier, doivent remettre les joueurs d’aplomb sur le plan psychologique. Ils doivent évacuer la pression qui pourrait les bloquer et bien se préparer techniquement. Je reconnais que la défaite de vendredi face au RCA risquerait de causer des séquelles psychologiques. Mettre les joueurs dans d’excellentes conditions et les préparer convenablement va beaucoup aider la JSK.
Pendant toute votre carrière à la JSK, vous avez joué beaucoup de Clasicos. Qu’est-ce qui caractérise cette confrontation entre deux anciens clubs de notre championnat ?
Les matchs entre la JSK et le MCA ont de tout temps été serrés. Ça s’est souvent joué sur un petit détail. Cette finale ne sera pas différente des autres. Je suis persuadé qu’elle se jouera aussi sur un simple détail.
Quel est le match qui vous a le plus marqué pendant toute votre carrière footballistique ?
Sans conteste, ce fut le Clasico joué au stade du 5-Juillet en 1983. Un match fou, et que je considère comme une référence de tous les temps. Le peuple algérien a eu droit à l’une des plus grandes affiches de l’histoire et qui a opposé une armada de joueurs talentueux, que ce soit de la JSK ou du MCA. Sur la pelouse, il y avait du spectacle, et le fair-play était exemplaire entre les joueurs. Plusieurs années après, tous les anciens sont unanimes : cette confrontation restera dans l’histoire. Le MCA a gagné par le score de 3 buts à 2, et sur un détail.
Comment ça ?
En parlant du détail qui peut faire la différence en plein Clasico ; en 1983, on avait opté pour une défense en ligne, ce qui a été notre spécialité d’ailleurs pendant plusieurs années. On était à égalité, deux partout, et on avait les moyens de gagner le match en déplacement. Malheureusement lorsque le MCA a amorcé une attaque, on croyait avoir assuré notre défense en ligne, mais Abdeslam, qui attachait les lacets de ses chaussures, s’est oublié derrière et donc annulé la position du hors jeu. Il a essayé toutefois de stopper l’attaquant du MCA, mais c’était trop tard.
On dit que ce match avait été suivi par un public record…
Exactement ! Cette grande affiche a drainé 80 000 supporters au stade du 5-Juillet. 40 000 n’ont pas eu la chance d’accéder au stade, et figurez-vous que la rencontre était retransmise en direct sur l’ENTV.
Vous êtes le 1er capitaine qui a soulevé la première Coupe d’Algérie de la JSK remportée face au NAHD (2-1) en 1977. Quel a été le sentiment qui vous a animé ?
C’est un moment qui restera gravé dans ma mémoire à tout jamais. La 1re Coupe d’Algérie remportée par la JSK en 77 a été une étape importante dans l’histoire. On a remporté auparavant des titres, je me rappelle du premier titre de champion décroché en 72 ; les responsables du football nous ont organisé une cérémonie à l’ITHT de Tizi Ouzou, et au cours de laquelle j’ai eu droit à une distinction personnelle de meilleur joueur de la saison. J’avoue en revanche que la première coupe avait un goût plus particulier.
Pourquoi ?
Je pense que tout le monde se rappelle de cette marée humaine qui avait rallié la capitale le jour de la finale. En plus de l’enjeu purement sportif, c'est-à-dire : on devait offrir à la JSK et à toute la Kabylie la première coupe de l’histoire ; la finale de 77 a constitué une occasion pour le déclenchement de la revendication de la cause amazighe. Les milliers de supporters qui ont envahi le 5-Juillet n’ont pas cessé de réclamer à Boumediene la reconnaissance de la cause berbère, avec le fameux slogan «Anwa Wigui D Imazighen» qui a donné la chair de poule à tous les joueurs sur le terrain. Pendant toute la rencontre, les supporters n’ont pas cessé de s’adresser au président, qui était sur la tribune.
Racontez-nous ce moment où vous êtes allé chercher le trophée ?
Tout d’abord, au moment où je m’apprêtais en tant que capitaine à monter sur la tribune pour récupérer la coupe, j’avais senti que le président Boumediene était très fâché. Un haut responsable chargé du protocole m’avait remis un mouchoir pour m’essuyer avant de monter et m’avait recommandé de ne pas saluer le président, ni lui tendre la main en premier. C’est pour vous dire qu’il y avait vraiment un climat tendu dans la tribune d’honneur où il y avait également des hauts responsables politiques du pays.
Y avait-il eu échange de propos entre vous et le président Boumediene une fois sur la tribune d’honneur ?
Non, pas du tout. Juste le temps de récupérer la coupe. Il m’a juste dit : félicitations ; puis je suis reparti. J’ai bien senti en lui un homme contrarié. Avant de récupérer la coupe, j’ai remis au président Boumediene un cadeau (un Bijou de valeur), que le défunt président de la JSK, Abdelkader Khalef, avait ramené d’At Yenni.
Quel autre souvenir gardez-vous de cette finale ?
Plutôt une anecdote que je ne pourrais oublier. Sur la tribune, il y avait un policier de la garde républicaine originaire de la Kabylie. Lui aussi avait vécu le match sur les nerfs. Au vu de sa mission d’assurer la garde des officiels, il ne pouvait bouger et fêter avec nous la victoire. Il était très heureux de la consécration et m’avait confié qu’il allait la fêter à sa manière, la nuit, une fois rentré chez lui.
À Tizi, la consécration en coupe a été fêtée d’une manière très spéciale, n’est-ce pas ?
C’étaient des milliers de supporters, hommes et femmes, qui avaient rallié Tizi pour crier victoire. La JSK venait de marquer un autre passage de son histoire. C’est pour vous dire à quel point la JSK est plus qu’un club de football. Elle a de tout temps accompagné les Kabyles à revendiquer une cause noble et juste, celle de la reconnaissance de Tamazight. Aujourd’hui, je m’incline à la mémoire de tous les hommes et femmes qui ont sacrifié leur vie pour cette cause.
Comment voyez-vous les chances de la JSK de remporter la coupe cette saison ?
Jeudi prochain, la JSK jouera sa 10e finale. Elle en a remporté 5 et perdu 4. J’estime que le staff technique doit bien préparer l’équipe et faire oublier aux joueurs la défaite du RCA pour qu’ils puissent uniquement se concentrer sur cette affiche. Les chances sont intactes, pour peu que les joueurs soient bien préparés sur les plans psychologique et technique.
Quel avis donneriez-vous sur l’effectif de la JSK, notamment sur les jeunes du cru lancés cette saison ?
Tout d’abord, permettez-moi de féliciter les deux jeunes Raïah et Aïboud, qui sont en train de progresser et de confirmer leur talent à la JSK. Moi, j’ai toujours privilégié cette formation, car je suis convaincu qu’en Kabylie, il y a un potentiel important. Il n’y a pas que Raïah et Aïboud, plusieurs autres joueurs à la JSK peuvent s’imposer en équipe première, il suffit juste de leur donneur la chance de jouer.
Allez-vous être présent le 1e mai prochain au stade de Mustapha-Tchaker ?
Malheureusement, je ne pourrai pas assister à cette finale au stade, car je suis invité dans pratiquement tous les plateaux de la télévision pour parler du match et, bien entendu, de l’historique des confrontations entre les deux équipes. Mon cœur y sera, et je souhaite de tout cœur et en toute franchise à la JSK de remporter sa 6e coupe. Je sais ce que représente un titre pour toute la Kabylie.
Quel est votre message à l’adresse des supporters ?
La JSK est le club qui représente toute la région de la Kabylie et qu’on ne peut confiner uniquement à Tizi. Les supporters viendront de partout le jour de la finale et, avec une seule voix, ils vont encourager leur club à gagner le match. Je les appelle à se réunir tous derrière la JSK et prêter main forte à cette jeune génération qui veut marquer son passage dans l’histoire du club.
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