Interview

Cambiasso : «L’Algérie n’a pas le droit d’aller au Mondial en pensant qu’elle est incapable de passer le premier tour»

«Argentine - Algérie du Camp Nou ? Un match bizarre avec un score fou»

Auteur : Mohamed Saad jeudi 27 mars 2014 23:42


Nous vous racontions dans le reportage qui avait précédé l’interview exclusive avec Diego Milito que, lors de notre passage à la Pinetina, le centre d’entraînement de l’Inter, nous avions pu nous entretenir avec deux autres stars de l’Inter sans pour autant citer leurs noms. Histoire d’entretenir un peu le suspense… Après donc le Prince Milito, c’est au tour d’Esteban Cambiasso de répondre à toutes nos questions pendant une douzaine de minutes afin de ne pas faire attendre la troisième star qui nous attendait et dont l’interview sera publiée incessamment. En plus de son immense talent, Cambiasso a une particularité : il prend tout son temps avant de répondre à une question et il essaye d’utiliser les mots qu’il faut pour traduire de la meilleure  manière sa pensée. En un mot, on sent qu’il voue un grand respect à ses interlocuteurs, y compris les journalistes. Vous allez vous en rendre compte dans cet entretien.
Merci Esteban d’avoir accepté de parler à un média algérien pour la première fois de votre carrière.
Noooon, c’est un plaisir.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez été écarté de la Coupe du monde 2010 après avoir tout gagné avec l’Inter ?
Ce sont des choses qui arrivent. Vous savez, en football on ne dépend pas que de nous-mêmes contrairement aux sports individuels comme le tennis où le sportif dépend de sa raquette et de ses performances. En football, on doit non seulement être bons, mais on doit plaire aussi aux dirigeants, à l’entraîneur quand on est en club et au sélectionneur quand on joue pour notre pays. Dans mon cas, le sélectionneur (Ndlr : Maradona) ne voulait pas de moi, il a préféré en prendre d’autres et j’ai dû accepter. C’est aussi simple que ça… ce sont les choses du football.
Aujourd’hui, vous jouez à un très haut niveau et on parle avec insistance de votre retour en sélection. Dans un coin de votre tête, pensez-vous revêtir un jour le maillot de la sélection ? 
Plus qu’un coin de ma tête. J’en rêve toujours ! Je vis la sélection de manière intense et parce que c’est grâce à la sélection que j’ai pu faire tout ce que j’ai fait. J’ai signé mon contrat pro en Argentine grâce à mes performances dans les équipes de jeunes de mon pays, j’ai signé au Real grâce à la sélection aussi. 
Vous avez gagné 23 titres durant votre carrière, c’est le record en Argentine, non ?
Je crois oui. Ce sont beaucoup de titres qui m’ont donné beaucoup de bonheur. Quand je vois tous ces titres, je me dis que j’ai quand même eu une belle carrière, que les objectifs pour lesquels j’ai décidé de jouer au football ont été atteints parce que, en fin de compte, on joue au foot pour gagner des titres, non ?
Si le 24e titre sera une Coupe du monde avec l’Argentine, raccrocheriez-vous les crampons ?
Pour moi, ce ne serait pas le 24e, mais le premier en importance. Et je ne pense pas raccrocher pour autant.
Pensez-vous que, pour gagner la Coupe du monde, l’Argentine dépendra de la forme de Messi ?
On ne peut pas dire que l’Argentine dépendra de Messi, mais c’est clair que Léo est une très grande valeur ajoutée. Le meilleur de tous vous apporte forcément plus que les autres. Pour autant, je ne crois pas qu’une équipe puisse dépendre d’un seul joueur, même s’il s’agit du meilleur joueur du monde.
Les spécialistes disent que l’Argentine a hérité d’un groupe à sa portée avec le Nigeria, la Bosnie et l’Iran. Pensez-vous que c’est le cas ?
Quels que soient ses adversaires en groupe, l’Argentine est obligée de passer le premier tour. De par son histoire, de par ses présences en Coupe du monde, la sélection doit au minimum se qualifier aux huitièmes de finale. On verra bien si ces adversaires seront à notre portée.
Après le premier tour, quel pourrait être l’objectif de l’Argentine ? Les demi-finales ? Plus ?
Ça c’est plus difficile par contre. Avec des matchs à élimination directe, il peut y avoir un épisode ou un détail qui peut vous laisser sur le chemin. Avec un système championnat où tout le monde joue contre tout le monde, je peux vous dire que l’Argentine pourrait faire partie des quatre meilleurs, mais tant qu’il y aura des matchs couperet comme ça, tout peut arriver.
Peut-être qu’au cours des dernières Coupes du monde, la chance n’a pas souri à l’Argentine…
Tout comme les autres nations, l’Argentine aura besoin de ce coup de pouce du destin pour atteindre ses objectifs. Parfois, un seul coup de chance ou deux peuvent changer la donne en votre faveur. Mais, ces deux coups de pouce du destin, il faut les avoir.
Par ailleurs, l’Algérie sera dans le groupe H avec la Belgique, la Russie de Capello et la Corée du Sud. Pensez-vous que les Algériens auront une chance de passer le premier tour ?
Pour être sincère avec vous, je suis incapable de donner mon opinion sur une équipe que je n’ai pas vu jouer et que je ne connais pas bien, mais, dans une Coupe du monde, tout est ouvert. Je peux dire par contre que l’Algérie n’a pas le droit d’aller en Coupe du monde en pensant qu’elle ne fera rien de bon. Pour les joueurs algériens, le plus important c’est d’y croire à fond, ensuite tenter le tout pour le tout.
Par contre l’Algérie vous rappelle un beau souvenir avec le match du Camp Nou…
(Il sourit.) Ce fut un match bizarre. Il y a eu de tout durant ce match.
Quel image en gardez-vous ?
L’image d’un adversaire qui jouait bien et qui ne fermait pas le jeu. L’Algérie essayait de nous marquer et cela a donné lieu à beaucoup de buts, une fois d’un côté, une autre fois de l’autre. Un match vraiment fou. L’autre image qui me reste aussi, c’est le but que je vous ai marqué.
Ce qui nous avait surpris, c’était votre manière de fêter votre but. A ce point, l’Algérie vous avait fait souffrir ? 
Ce n’est pas parce que l’Algérie nous avait souffrir. Moi, je vis le football intensément et à chaque fois que je marque un but, je laisser éclater ma joie. Bon, il m’est arrivé de ne pas fêter un but dans des situations exceptionnelles comme lorsque j’avais affronté Independiente, mon club de cœur et que je leur avais marqué un but. Par respect aux supporters et à ce club qui m’a formé, je n’ai pas fêté mon but. Sinon, tous les buts, il faut les fêter, c’est cela le charme du football.
Vous y comprenez quelque chose si je vous dis que, grâce à ce match face à l’Argentine, l’Algérie a pu se qualifier deux fois de suite en Coupe du monde ?
Sincèrement… non !
Après le match face à l’Argentine, l’Algérie a pris conscience de ses possibilités et s’est rendu compte qu’elle pouvait tenir tête aux meilleurs. On a commencé à donner plus de moyens à la sélection et à travailler davantage et le résultat ce sont deux qualifications consécutives en Coupe du monde.
Je vous le disais tout à l’heure quand j’ai parlé des groupes. Si quelqu’un ne croit pas en ses possibilités, il ne peut absolument rien faire dans le football de haut niveau. Il faut donc y croire puis commencer à travailler. Apparemment c’est ce qu’ont fait les responsables du football en Algérie.
Vous ne connaissez peut-être pas les joueurs de la sélection actuelle, mais vous connaissez sûrement Belfodil et Taïder. Que pouvez-vous nous dire d’eux, d’abord en tant que personnes ensuite en tant que joueurs ?
Ce que je peux vous dire sur Belfodil et Taïder c’est que ce sont deux garçons qui ont vraiment envie de travailler et de progresser. Avant de venir à l’Inter, ils ont fait leurs preuves dans des équipes plus petites. Taïder est en train de lutter tous les jours pour prouver qu’il est capable de réaliser de grandes choses dans un grand club, Belfodil a décidé de reculer pour mieux sauter. Je leur souhaite de réaliser une grande carrière.
On vous voit souvent discuter avec Taïder sur le terrain. Que lui dites-vous ?
En tant que deuxième capitaine et en tant qu’ancien de l’Inter, j’essaye de conseiller et d’orienter les joueurs sur le terrain. En tant qu’Algérien, vous n’avez d’yeux que pour Taïder, c’est pour ça que vous dites ça, mais moi je parle à tout le monde, surtout les jeunes comme Taïder. Si vous suivez Palacio, vous allez me dire la même chose. Mais, à la base, je parle beaucoup sur le terrain de par mon rôle de capitaine et mon rôle sur le terrain, et comme Saphir est toujours devant moi, je lui parle plus que les autres. 
Vous êtes le plus ancien joueur de l’Inter après Zanetti. Dans ce club, il y a eu plusieurs entraîneurs de renom, quel est celui qui vous a marqué ?
Dès mon arrivée ici, j’ai trouvé Roberto Mancini qui, je pense, a réalisé un travail impressionnant. Il était arrivé dans une période où l’Inter ne gagnait plus rien depuis plusieurs saisons et, grâce à lui, nous avons pu gagner plusieurs titres, je ne sais pas exactement combien, mais je sais qu’on avait remporté trois scudetto de suite, ce qui n’était pas rien. Il y a eu aussi une Coupe d’Italie et une Supercoupe, je crois. Pour moi, Roberto Mancini a transformé l’état d’esprit de l’Inter en transformant une équipe habituée à perdre en une équipe qui ne supporte plus la défaite. Après, et pour compléter ce qui a été entamée par Mancini, Mourinho est arrivé. Mourinho nous a permis de faire un saut plus grand encore vers l’Europe et nous avons réussi à remporter la Champions League, matérialisant ainsi le rêve de ce club qui attendait ça depuis 45 ans. Ces deux entraîneurs m’ont marqué personnellement et ont marqué l’histoire de l’Inter. Je ne pourrais pas oublier l’apport de Leonardo qui a su gérer une période très difficile, l’après-Mourinho et Bénitez. Il a su donner un esprit à l’équipe et remporter un autre titre qui est la Coupe d’Italie.
Et les joueurs ?
On devrait rester une heure ensemble pour pouvoir parler de tous les joueurs qui m’ont marqué tout au long de ma carrière. Quand on gagne plusieurs titres comme cela a été le cas avec l’Inter, on focalise surtout sur quatre ou cinq joueurs qui sont la colonne vertébrale d’une équipe ou qui ont joué tous les matchs. C’est ce que vous avez l’habitude de faire vous, les journalistes. Pour moi, il y a des joueurs qui peuvent être plus importants dans une équipe, mais qui ne sont pas forcément très connus. Le joueur qui s’entraîne tous les jours avec une très grande intensité et qui voyage avec l’équipe pour se contenter de dix minutes de jeu ou qui ne joue tout simplement pas. Ce joueur qui garde le sourire pour ne pas perturber l’ambiance du groupe, c’est ce joueur qui est important à mon sens, c’est ce joueur qui peut être plus important que les Ibrahimovic, Milito, Eto’o et les autres. Le gardien de but remplaçant ou le troisième gardien qui sait qu’il ne joue pas et qui garde quand même le sourire, n’est-ce pas important ? Pour moi, oui, il peut avoir un rôle plus important que les joueurs qui font souvent la une des journaux.
Nous sommes d’accord avec vous, mais nous vous demandons quand même de nous donner votre appréciation sur un joueur comme Zidane avec lequel vous avez joué au Real…
C’est très difficile que mon appréciation sur Zidane traduise tout ce qu’il a fait pour le football, mais je vais quand même essayer. Voyons voir… Je suis tout simplement heureux d’avoir joué à ses côtés alors que j’étais très jeune. J’ai découvert de près son talent immense mêlé à une très grande humilité.
Vous n’avez jamais caché votre admiration pour Fernando Redondo qui a été votre modèle. Pourquoi ?
Fernando Redondo a été et est toujours mon idole. C’est ma référence parce qu’on joue au même poste, j’ai eu la chance de le rencontrer lorsque j’étais très jeune. Il a été révélé dans la même équipe où j’ai commencé, Argentinos Juniors. De par son talent et sa personnalité, il a imposé le respect à tout le monde. Ce respect a décuplé lorsque j’ai eu la chance de jouer avec lui au Real Madrid.
Esteban, il ne nous reste qu’à vous souhaiter beaucoup de chance avec l’Inter et, pourquoi pas, avec l’Argentine au prochain Mondial…
A mon tour de souhaiter beaucoup de chance à l’Algérie en Coupe du monde avec Taïder et Belfodil naturellement, mais avec l’Argentine devant. (Rires).
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Le Mondial-2006 est aussi son pire souvenir
Si Cambiasso n’a pas oublié son but splendide face aux Serbes lors du Mondial-2006, il n’a pas non plus oublié son penalty raté face aux Allemands qui a éliminé du tournoi l’une des meilleures équipes argentines des deux dernières décennies avec José Pekerman comme sélectionneur. Après un match intense face aux Allemands en quarts de finale qui s’est terminé sur un nul (1 à 1), les Argentins se sont inclinés aux tirs au but après deux ratages de Roberto Ayala et d’Esteban Cambiasso.
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A 15 ans, il a joué le Mondial des U17
Esteban Cambiasso est sans doute le seul joueur au monde à avoir joué une Coupe du monde avec deux ans d’avance. En 1995 en Equateur, Cambiasso n’était qu’un gamin de 15 ans lorsqu’il avait été promu chez les U17 de son pays. Pourtant, le jeune adolescent a été titulaire et a fait partie des meilleurs joueurs du tournoi remporté par le Ghana (3-2) face au Brésil.
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Champion du monde des U20 à 17 ans !
Jeune, Cambiasso a toujours joué avec des coéquipiers et des adversaires plus âgés que lui. Deux ans après le Mondial des U17 en Equateur, il a récidivé en Malaisie avec les U20 argentins. Cette fois-ci, il fera mieux en terminant champion avec l’Albiceleste. 
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Cambiasso, le joueur le plus titré d’Argentine avec… Messi
Esteban Cambiasso est resté longtemps comme étant  le recordman des titres en Argentine. Jusqu’à la finale de la Supercoupe d’Espagne qui avait opposé le FC Barcelone à l’Atlético Madrid et qui a permis à Messi de remporter son 23e trophée et d’égaler ainsi son compatriote de l’Inter.  Comme il nous l’avait confié en marge de l’interview qu’il nous avait accordée, Cambiasso est en train de savourer au maximum ce record.  «Je savais que Léo allait le battre, comme il avait battu plusieurs records et comme il battra sans doute d’autres records et je sais que d’ici à la fin de saison, il sera le joueur le plus titré d’Argentine et seul», a dit avec fair-play le capitaine de l’Inter. 
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Il avait inscrit un but après 25 passes au Mondial-2006
Le nom de Cambiasso reste intimement lié à la Coupe du monde 2006. D’abord en réalisant un grand tournoi avec l’Argentine qui n’a été éliminée qu’aux tirs aux buts en quarts de finale par le pays organisateur, l’Allemagne. Mais aussi et surtout parce qu’il a inscrit l’un des plus beaux buts de l’histoire de la Coupe du monde au premier tour face à la Serbie Montenegro. En effet, et après 25 passes entre les joueurs argentins, la 24e étant une talonnade de Crespo, Cambiasso a inscrit le deuxième des six buts marqués à la Serbie.
 

Publié dans : algerie Esteban Cambiasso argentine

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