Véritable révélation de ce début de saison en Premier League, Riyad Mahrez a accepté de se livrer au Buteur et de revenir avec nous sur ses performances aussi bien individuelles que collectives réalisées avec sa formation de Leicester City, et qui ont fait le tour du monde. Leader actuel du championnat, Leicester accueillera ce soir dans son antre du King Power Stadium, son dauphin, Manchester United. Un match qui s’annonce passionnant et où les regards seront braqués sur l’international algérien qui est, comme rapporté par nos soins précédemment, fortement sollicité par la direction des Red Devils.
Le joueur a parlé aussi des contacts d’autres grands clubs européens, dont il fait l’objet, de ses objectifs pour cette saison et son souhait de soulever dans quelques jours le Ballon d’Or Algérien. Evidemment, on est revenu sur l’actualité de la sélection nationale, et des critiques qui ont visé le coach, Christian Gourcuff. Un entretien exclusif qu’on vous invite à lire…
Tout d’abord, on veut revenir avec vous sur votre début de saison tout simplement exceptionnelle. 7 buts inscrits et 6 passes décisives délivrées en 12 matchs de Premier League seulement. Vous vous attendiez à un tel début de votre part ?
C’est vrai que ça marche bien pour moi depuis l’entame de cette saison. Je me sens bien et cela se voit sur les terrains chaque week-end. Je surfe aussi sur la bonne dynamique du club.
En août dernier, vous disiez que votre objectif pour cette saison 2015-2016 était de doubler vos statistiques de la saison dernière (Ndlr : 4 buts et 3 passes décisives en 30 matchs). Maintenant que vous l’avez atteint, où comptez-vous vous arrêter ?
Franchement, je ne sais pas. Je ne me pose pas de questions, à vrai dire. Comme je viens de vous le dire, on est bien, on se sent au top et tout le monde au sein de l’équipe est concerné. On est sur la lancée de notre fin de saison passée car je crois que depuis avril dernier, nous n'avons perdu que deux matchs seulement en championnat. Cela veut dire que si on est à cette première place actuellement, ce n’est pas tout à fait anodin.
Et qu’en est-il de l’objectif du club cette saison ?
Y en a qui me parlent de la Ligue des champions, mais il faut qu’on soit réaliste. Si on réussit à finir le championnat dans le Top 10, ça serait déjà exceptionnel pour nous. On ne pense pas rester à cette première place très longtemps, car on sait que ça sera extrêmement difficile. En Angleterre, il y a énormément de très bons clubs.
On se rappelle que, la saison dernière, Leicester a fait un début de Premier League catastrophique. Qu’est-ce qui a changé depuis et fait que, cette saison, c’est totalement l’inverse qui s’est produit ?
Comme je l’ai dit, c’est peut-être le fait d’avoir bien terminé la saison dernière, qui a fait qu’on a continué sur la lancée.
Beaucoup en Angleterre disent que Claudio Ranieri, votre entraineur, a su aussi trouver la bonne formule et a surtout aidé Riyad à prendre des galons, en le responsabilisant davantage. Vous en pensez quoi ?
On ne va pas dire qu’il m’a transformé, mais c’est vrai qu’il m’a beaucoup aidé, notamment à franchir un palier. Il m’apporte sa confiance et me donne plus de responsabilité sur le terrain. Après, il n’y a pas que moi. On a un attaquant qui marque tout le temps (Vardy), on a aussi deux excellents milieux défensifs qui font un travail énorme et une défense très bonne. J’arrive à briller et c’est tant mieux. Je suis vraiment content de travailler avec le coach et d’être dans ce formidable club.
Vous faites bien de parler de Vardy. Votre geste de grande classe lors du match contre Watford, où vous lui avez donné le ballon pour qu’il tire le penalty a fait le tour de l’Angleterre et d’Europe aussi. Est-ce que c’est lui qui vous a demandé le ballon, ou bien ç'a été une décision spontanée de votre part. Dites-nous comment ça s’est passé ?
Bon, dès que l’arbitre a sifflé le penalty, j’ai pris le ballon, pour le tirer, étant donné que c’est moi qui suis chargé de tirer tous les penalties. Là, Jamie est venu me voir et m’a dit « Riyad, laisse moi le tirer, s’il te plait ». Sur le moment, je ne lui ai pas dit non, mais je lui ai fait comprendre que c’est moi qui allais le tirer… Du coup, je suis parti pour le tirer, mais après, je me suis dit : «Non, ça ne se fait pas. Le mec, il a un record à aller chercher», et donc, je me suis retourné, et je lui ai donné le ballon. Voilà.
En Angleterre, on est étonné de voir un joueur aussi doué techniquement que vous, mais qui demeure en même temps très collectif…
J’ai toujours été un joueur altruiste. C’est vrai que je dribble, je tente des trucs, mais si je peux donner le ballon à un coéquipier qui est en meilleure position, je le fais sans hésitation. Mon rôle est aussi de servir idéalement mes coéquipiers pour qu’ils marquent. La saison dernière aussi, je faisais pareil, sauf qu’il n’y avait pas la réussite au bout, comme on l’a cette saison.
Riyad, dites-nous, comment vivez-vous votre nouvelle notoriété, vous qui aviez débarqué en Angleterre il y a prés de deux dans un total anonymat ?
Je suis toujours pareil. Toujours le même, simple. Je ne réponds pas trop aux demandes d’interviews, car je n’ai pas envie que les gens disent : «Ah, il commence à marquer et voilà, on l’entend partout». Vous me connaissez, je suis quelqu’un de discret. J’aime rester dans mon coin. Je sais que je n’ai encore rien fait et qu’il faut que je continue à travailler.
Ce samedi, vous allez disputer un gros match de championnat face à votre poursuivant immédiat au classement, en l’occurrence, Manchester United. Déjà, comment voyez-vous ce match ?
Nous, on est premiers, et eux deuxièmes. On a un point d’avance et on va essayer de glaner trois nouveaux points. Il est clair qu’on s’attend à un match disputé et difficile. Manchester est un gros club, et même s’il n’est pas comme avant depuis quelque temps, il reste tout de même redoutable. Franchement, on n’a rien à perdre. On jouera notre football habituel, sans la moindre pression. Inch’Allah, ça se passera bien pour nous.
Vous le savez sans doute. Manchester United s’intéresse beaucoup à vous et souhaiterait vous recruter. Peut-on dire que le match de ce samedi va être spécial pour vous ?
Non, pas du tout, ça va être un match normal pour moi. Je ne me préoccupe pas trop de tout ce qui se dit à ce propos. Je suis concentré sur mon match et je ne me mets rien en tête. Je vais jouer mon football habituel et c’est tout.
Qu’est-ce que ça vous fait lorsque vous lisez dans les médias que de grands clubs comme Manchester United, Arsenal, Tottenham ou même le Barça vous suivent de près et s’intéressent à vos services ?
Vous savez, c’est toujours bien d’entendre que des gros clubs te veulent, mais moi, sincèrement, je n’y porte pas trop attention parce que je me sens bien à Leicester. Tout va bien pour nous et je n’ai pas envie de me prendre la tête avec ces trucs-là. Après, oui, c’est flatteur et j’en suis ravi.
Sincèrement, Riyad, est-ce que l’idée d’un départ, cet hiver, pour l’un de ces grands clubs qui s’intéressent à vous, effleure votre esprit ou pas du tout ?
Je ne pense pas trop à ça. Mon objectif est de terminer la saison avec Leicester City et faire de mon mieux pour aider le club à se maintenir en Premier League d’abord. Après, on verra.
Passons à présent à la sélection nationale. Le match retour face à la Tanzanie a été un véritable spectacle, avec sept buts inscrits. Mais on voudrait revenir sur le match aller, où l’équipe est complètement passée à côté. Comment peut-on expliquer la différence de niveau entre ces deux matchs disputés en l’espace de 3 jours seulement ?
Déjà, à Dar Es-Salam, le terrain était catastrophique. Il faisait trop chaud et dès l’échauffement, on sentait qu’on était un peu mous, un peu fatigués. La chaleur nous avait affaiblis. Après, on ne va pas se cacher derrière ces excuses. On n’a pas été bons, c’est tout. Ils nous ont mis beaucoup de pression et ils auraient pu nous battre par 5-0, et on n’aurait rien à dire, voilà. On a su néanmoins résister et avoir de la chance pour mettre ces deux buts. Au retour, chez nous, et dans de bonnes conditions, on a joué à notre meilleur niveau. On pouvait les battre 15-0. Ils n’ont frappé au but qu’une seule fois, je crois. Après, c’est normal que les gens nous ait critiqués à l’issue de ce match aller, mais j’estime que nous avons le droit de temps en temps de passer à côté si, par la suite, on sait comment rectifier le tir.
Est-ce que vous comprenez les critiques des observateurs et des médias, qui se posent notamment des questions sur le rendement à reculons de la sélection depuis la CAN ?
Oui et non. Vous savez, ceux qui critiquent sont là pour critiquer. Ce que je sais, c’est qu’on a un bon groupe, un très bon coach, avec qui tout se passe bien. Je crois que depuis qu’il est avec nous, on n'a perdu que trois fois. Les gens nous critiquent car ils veulent qu’on gagne tout le temps par 6-0 ou 7-0, mais ce n’est pas toujours facile. En tout cas, je sais qu’avec Gourcuff, on pourra aller loin lors de la prochaine CAN, mais aussi le Mondial 2018 si on arrive à se qualifier.
Une source nous disait récemment que les joueurs se sont donnés le mot pour soutenir Christian Gourcuff. Est-ce que vous confirmez ?
Bien sûr qu’on est derrière lui. Pour moi, c’est un très bon coach. Il nous aide beaucoup et fait vraiment du bon travail et ça se ressent. Les gens critiquent, ils parlent, mais ils ne sont pas à l’intérieur du groupe. Maintenant, ça ne fait qu’un peu plus d'une année qu’il est là. ça ne va pas arriver du jour au lendemain. Il faut lui accorder davantage de temps.
Vous pensez que Gourcuff est injustement critiqué ?
Oui, c’est clair. Je ne comprends pas comment on peut le critiquer au vu du travail qu’il est en train de faire. Peut-être qu’ils profitent de sa gentillesse. Mais bon, ça ne sert à rien puisqu’il va rester avec nous, et on va continuer tous ensemble le travail. Inch’Allah tout se passera bien à l’avenir.
Beaucoup évoquent des cas d’indiscipline au sein du groupe. On dit même que l’ambiance est quelque peu détestable. Vous répondez quoi à ça ?
Ça se passe très bien en sélection. L’ambiance y est bonne. On rigole, on s’entraîne tous les jours dans la bonne humeur. Après, vous parlez de la discipline, ce n’est pas au coach de nous dire quoi faire en dehors du foot. C’est à nous de mettre la discipline. Le coach s’occupe uniquement du terrain. Il n’a pas à se soucier des choses qui se passent hors du foot. Chacun doit être responsable de ce qu’il fait.
Lors du match retour face à la Tanzanie, on a vu que le coach avait enfin abandonné son 4-4-2 pour passer au 4-3-3 avec la présence d’une sentinelle, Medjani en l'occurrence. Pensez-vous que ce réajustement tactique a fait la différence et que ce 4-3-3 conviendrait finalement mieux aux Verts ?
Je ne sais pas, mais vous savez, quand on joue en 4-4-2 ou en 4-3-3, offensivement, c’est la même chose. Peut-être que défensivement, on a plus de sécurité lorsqu’on évolue avec une sentinelle. Au moins, cela prouve qu’on sait jouer avec les deux schémas et, cela, je présume, donnera plus de solutions au coach.
Sur le plan personnel, vous avez des statistiques tout simplement ahurissantes avec la sélection. Vous avez intégré les Verts, il y a un an et demi, mais vous avez donné déjà 13 passes décisives et marqué 4 buts (en 22 matchs). Votre commentaire ?
Oui, c’est vrai. Après, je me dis que j’aurais pu marquer plus de buts, mais bon, on ne peut pas tout avoir, non plus. A vrai dire, depuis que Gourcuff est là, ça se passe bien pour moi. Il me fait grandement confiance et, mis à part deux ou trois matchs, j’ai toujours été constant et régulier dans mes prestations. J’espère continuer ainsi et aider mon pays davantage.
On vous pose souvent la question, mais on va insister une nouvelle fois. On a vu que face à la Tanzanie, lors du match retour, que vous avez été excellent lorsque le coach vous a fait jouer à droite. On sait que vous vous sentez plus à l’aise lorsque vous êtes aligné dans ce couloir droit. En avez-vous discuté avec Gourcuff, lui qui a tendance à vouloir vous mettre à gauche ?
Moi, j’ai toujours dit que je préférais jouer à droite, mais après, vous savez très bien qu’il y a Soso (Feghouli) qui joue à droite aussi. C’est un ancien et n’oubliez pas qu’il évolue dans un grand club, qui est Valence. Maintenant, c’est au coach d’en décider. C’est vrai que je me sens plus à l’aise à droite, mais pour le pays, je suis prêt à jouer dans n’importe quel poste que me choisira le sélectionneur. Je me donnerai toujours à fond, quoi qu’il arrive.
Dans pas longtemps, on connaitra le lauréat du Ballon d’Or Le Buteur- El Heddaf pour l’année 2015. Vous faites partie des nommés. Est-ce que ce trophée vous intéresse ?
C’est toujours bien d’être le Ballon d’Or Algérien. Cela prouve qu’on a fait une bonne année. Après, voilà, c’est bien aussi pour la famille et les gens qui nous aiment. Ils seront contents. C’est un trophée intéressant.
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Riyad Mahrez