Quel a été le rôle de votre nouvel entraîneur Ronald Koeman dans le recrutement l'été dernier ?
Il a pris notamment des joueurs qu'il a connu aux Pays-Bas, comme Dusan Tadic et Graziano Pellé. Surtout, et c'est important, le club a recruté des bons mecs, qui travaillent beaucoup et se sont intégrés très rapidement sans se la raconter. Les recruteurs sont aussi allé chercher Sadio Mané, un Sénégalais super fort ! Toby Alderweireld de l'Atlético de Madrid, ou encore Ryan Bertrand. Tous ces joueurs ont un énorme potentiel.
Comment définiriez-vous le style Koeman ?
Tout le monde sait quel joueur il a été. Il sait ce qu'attendent les joueurs et base tous ses entraînements sur la possession du ballon et le travail technique. Il nous laisse beaucoup de liberté sur le terrain et il est à l'écoute.
On a peine à croire que vous vouliez partir il y a quelques mois…
Je voulais partir l'été dernier parce que je pensais que le club allait couler avec tous les départs qu'il y a eu et je ne voulais pas de ça. Mais aujourd'hui, j'ai une telle joie de jouer. Dans le football, ça se passe parfois comme dans la vie d'un couple. Il y a eu des turbulences mais chacun est passé outre ce qu'il s'est passé et on avance.
Comment avez-vous digéré votre déception ?
Je me souviens qu'après le dernier match amical d'avant saison, contre Leverkusen, je suis allé voir le président et le coach et je leur ai dit : 'écoutez, avec tout ce qu'il se passe aujourd'hui et les offres qui sont sur la table pour mon transfert, je ne me vois pas jouer, ne serait-ce que par respect pour mes coéquipiers'. Tout ça a pris beaucoup d'ampleur, c'est parti dans tous les sens. Mais nous avons beaucoup discuté et ils m'ont dit qu'à leur yeux, les offres ne reflétaient pas ma valeur. Moi, je ne comprenais pas, je trouvais que les offres étaient très bonnes. J'ai attendu, attendu. Puis au bout d'un moment, j'ai repris l'entraînement en me disant que je n'allais pas tout gâcher après avoir vécu la Coupe du Monde. Au premier match de la saison, c'était contre Liverpool, j'ai vu que les fans étaient tous derrière moi à scander mon nom. J'ai reçu aussi beaucoup de soutien dans la rue et sur les réseaux sociaux. Je me voyais d'autant moins continuer cette petite guerre et j'estimais que je devais avoir du respect envers Southampton et ses supporters.
Beaucoup de joueurs qui ont joué un rôle important dans la huitième place décrochée l'an passé sont partis cet été…
Beaucoup m'ont dit que mon départ aurait été la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Déjà, le départ de Calum Chambers a été très mal accepté. C'est là que le club s'est rendu compte qu'il fallait s'arrêter là parce que les supporters étaient déjà très énervés. Un joueur ne fait pas l'équipe, mais le fait de ne pas me laisser partir était un symbole fort pour montrer que le club gardait la main.
Le fait que vous ayez disputé la Coupe du Monde a-t-il joué un rôle dans votre envie de départ ?
C'est tout à fait ça. En équipe de France, je côtoie des joueurs qui jouent au Real Madrid et autres. Donc forcément, moi aussi j'ai envie de connaitre la Ligue des champions. J'ai 25 ans et je ne l'ai pas encore vécue. Jouer en Coupe du Monde m'a fait réaliser que je voulais encore toucher le très haut niveau et qu'il le fallait pour ma carrière, pour continuer à être avec les Bleus. C'était important pour moi, je pense que tout le monde aujourd'hui peut comprendre pourquoi j'ai eu cette réaction et pourquoi je voulais partir.
A votre arrivée, Southampton était en D2, puis vous avez connu la D3 pendant deux saison. Qu'avez-vous appris pendant cette période ?
La deuxième et la troisième division anglaise, c'est quand même compétitif ! Il y a de très bonnes équipes et de très bons joueurs, on joue dans des beaux stades. Après, de temps en temps, c'est la guerre ! Certaines équipes envoient des longs ballons avec des attaquants d'un 1m90 qui mettent que des taquets. Cette période m'a appris beaucoup de choses. Quand j'étais en France, je ne jouais que quand j'avais le ballon et je laissais mes coéquipiers récupérer pour moi. Mais en Angleterre, j'ai très vite compris que ça n'était pas possible de continuer comme ça et qu'il fallait que j'aille moi-même "grater" des ballons, sous peine de prendre des coups. Après, j'ai été surpris par la troisième division. Je me rappelle de mon premier match à Cardiff. Je ne connaissais pas et je pensais que ça allait être facile, mais le match a été tellement dur ! Au niveau physique, j'étais lessivé au bout de 20 minutes. J'avais l'impression de jouer sur un terrain de babyfoot tellement je me faisais serrer à chaque fois que j'avais le ballon. J'ai du apprendre très vite.
Vous avez appris plus dans ces conditions que si vous aviez directement pris place sur le banc d'un grand club ?
Ma philosophie, c'est ça : c'est très bien de jouer dans un grand club, mais quand on est jeune il faut jouer, et trouver une équipe qui le permette. C'est vrai que quand on est dans un grand club, on s'entraîne tous les jours avec des grands joueurs. Mais pour moi, la compétition, c'est ce qu'il y a de plus important.
Durant cette période, rêviez-vous du plus haut niveau ? Avez-vous eu des moments de doute sur vos possibilités de l'atteindre un jour ?
Quand le club est descendu en troisième division, même avec l'arrivée du nouvel investisseur, je me suis posé plein de questions. Je me suis dit que je n'aurais pas du partir à l'étranger alors que j'étais en équipe de France. C'était une période de doutes, je me suis demandé s'il fallait que je quitte le club. Mais j'avais aussi ce sentiment que je n'avais pas encore montré qui j'étais vraiment et que je devais le faire par respect pour Southampton, qui avait investi sur moi. J'ai hésité, mais j'aurais eu l'impression de partir comme un voleur en laissant le club dans cette situation. Quand le nouveau président m'a dit qu'il comptait sur moi pour son projet de monter jusqu'en première division, ça m'a touché. Même si je n'étais pas certain que ça soit dans mon intérêt de rester, je l'ai fait. Aujourd'hui, je suis content parce que les choix que j'ai fait jusqu'à présent ont été les bons, avec aussi cette petite part de chance qu'il faut faut dans la carrière d'un footballeur.
Comment définiriez-vous votre rôle sur le terrain ?
Ma position de départ est toujours la même : en numéro six devant la défense. J'aime beaucoup toucher le ballon, donc je redescends souvent avec mes défenseurs et j'ai ensuite la liberté de suivre les attaques et d'aller dans la surface adverse. Quand nous sommes arrivés en Premier League, je restais vraiment en sentinelle devant la défense. Aujourd'hui, je joue plus avancé, même si l'entraîneur me demande d'organiser le jeu de derrière. J'essaie de toucher un maximum de ballons, parce que j'en ai besoin. Si je ne le touche pas pendant deux ou trois minutes, je pète un plomb. J'ai beaucoup de liberté, et c'est important pour prendre du plaisir. Si on passe son temps à penser aux consignes, on dénature son jeu et c'est pas bon.
Vous étiez étiez déjà considéré depuis longtemps comme l'un des meilleurs en Angleterre à votre poste avant votre première convocation. Avez-vous eu l'impression d'être un peu snobé par l'équipe de France ?
Non, je ne pense pas. Je joue à Southampton dans un club qui n'est pas très médiatisé. On me connais plus en Angleterre parce que je joue là bas depuis très jeune. Je savais que ça allait venir. Les gens me disaient de rester patient et confiant, que ça allait marcher si je continuais à ce niveau de performances. Je savais qu'avec mon parcours en sélection de jeunes, on me connaissait un peu et que j'étais un peu suivi. Je suis toujours resté confiant. Finalement, c'est arrivé au moment où je m'y attendais le moins.
N'avez-vous pas été tenté se soigner votre communication, d’apparaître davantage dans les médias français ?
On me l'a conseillé, mais ça n'est pas trop mon genre. Il y a plus de sollicitations maintenant, parce que les gens ont envie de savoir qui je suis et d'où je viens. C'est important de le faire de temps en temps pour montrer que je ne viens pas de "Mars" et que je suis là depuis longtemps, mais avant ça, je n'avais pas cette idée de faire trop de 'com'. Twitter, j'ai commencé juste avant la Coupe du Monde parce que quelqu'un qui travaille avec mon agent m'a dit que c'était important. Moi j'étais plutôt réticent au début en je me disais que ça ne servait à rien, mais j'ai fini par le faire.
Comment expliquez-vous l'aisance que vous avez dégagé pour votre première titularisation contre l'Equateur à la Coupe du Monde, au Maracanã ?
Je me dis que j'aurais pu faire beaucoup mieux. Je ne me sentais pas au top physiquement et il s'était passé tellement de choses, entre le fait d'être convoqué, de rentrer à la maison, de repartir. L'arrêt puis la reprise de l'entraînement. Au final, j'avais passé un mois sans compétition. Lors de ce match, je m'étais attaché à jouer le plus simple possible et à ne pas trop en rajouter. Pour moi, j'ai fait un match correct, même si ça reste mon plus grand souvenir et que ça le restera à jamais.
Est-ce que cette expérience vous a transformé ? Quelle est la différence entre le Morgan Schneiderlin d'avant et celui d'après la Coupe du Monde ?
J'ai davantage confiance en moi. Avant, je me posais un peu trop de questions, alors que maintenant je joue plus libéré, en sachant que les gens vont me regarder en y prenant du plaisir. J'aime cette pression et ce petit truc en plus. Ce qui change aussi, c'est la reconnaissance des gens. On me reconnait dans la rue. Avant, je passais inaperçu en France, maintenant un petit peu moins. Après, on sait que ça amène aussi un peu plus de pression médiatique, que chaque loupé sera commenté, scruté, mais j'aime ce genre de chose.
IN FIFA.com
Publié dans :
EDF
Schneiderlin