Auteur :
Mohamed Saâd
vendredi 27 juin 2014 22:16
Nous sommes en 2008 à Accra en pleine Coupe d’Afrique. Le grand Abedi Pelé nous reçoit dans sa grande villa située dans l’un des quartiers les plus chics de la capitale ghanéenne. L’accueil de l’artiste ghanéen est chaleureux, l’échange est passionnant jusqu’à cette question qui a mis le placide Pelé hors de lui : «Quelle image gardez-vous de la sélection algérienne des années 80 ?» Une question tout à fait banale surtout pour quelqu’un qui a connu de très près cette génération dorée du football algérien : «Oui, Madjer, Assad, Belloumi, Kouici et tous les autres ont été des joueurs d’exception, mais vous allez en parler toute votre vie ? Moi, j’aurais aimé vous parler d’un joueur algérien actuel qui crève l’écran, mais il n’y en a pas, vous n’êtes même pas qualifiés à la CAN, réveillez-vous !» Abedi Pelé ne voulait pas s’arrêter et il avait raison.
L’équipe de 82 a changé le cours de l’histoire
Pourquoi donc on continuait à parler de cette équipe 82 alors qu’il y avait eu d’autres retentissants succès après ? Ceux qui ont vécu l’épopée des Verts vous donneront un certain nombre d’explications. C’était quand même notre première Coupe du monde 20 années après l’Indépendance du pays. Nous avions une équipe qui jouait un football de rêve. Nous avons créé l’une des plus grosses surprises de l’histoire de la Coupe du monde en battant avec la manière l’Allemagne, une grande nation du football. Toutefois, la plus belle des victoires de cette équipe, selon Mahieddine Khalef, l’homme par qui ces succès sont arrivés, c’est plutôt le match de la honte entre l’Allemagne et l’Autriche qui a obligé la FIFA à revoir sa programmation. Aujourd’hui, c’est grâce à cette équipe 82 que les troisièmes matchs se jouent le même jour et à la même heure. Voilà sans doute pourquoi cette équipe est entrée dans l’histoire.
1986 : Le rêve de tout un peuple s’écroule
La même génération à quelques exceptions près a joué une autre Coupe du monde après des éliminatoires parfaites (aucune défaite), mais tout ce qui a été construit a été terni par une indiscipline criarde à l’intérieur du groupe, une scission entre locaux et émigrés et surtout des résultats bien en deçà des grandes espérances placées par tout un peuple dans cette équipe. Il y a eu ces 20 minutes de rêve face au grand Brésil de Tele Santana, mais c’était peu pour effacer ce qui avait été réalisé quatre ans auparavant. La défaite sévère contre les Espagnols dans une ambiance délétère est venue détruire un travail de longue haleine entamé à la fin des années 70. Au Mexique, on nous a présentés comme des outsiders, mais les egos de certains joueurs ont détruit le rêve de tout un peuple.
1990 : L’Algérien aime la Coupe du monde
Grâce à Cheikh Kermali et deux grandes stars au crépuscule de leur carrière en sélection, nous avons nommé Madjer et Menad, l’Algérie a remporté le seul titre majeur de son histoire. Il y avait des buts, une ambiance folle et une communion inégalée entre une équipe et son peuple. Mais, une Coupe d’Afrique reste une Coupe d’Afrique car si l’Egyptien préfère dominer le continent, l’Algérien aime se frotter aux plus grands de ce monde. Il n’y a que les victoires en Coupe du monde qui peuvent avoir un retentissement mondial. Il n’y a que la Coupe du monde qui nous fait rêver et l’équipe 82 continuait donc à être l’unique référence du football algérien. Viendront ensuite, les années les plus noires de l’histoire du pays qui plongeront le football dans un long sommeil faisant de la victoire contre l’Allemagne la seule panacée d’un peuple sevré de victoires.
2010 : La générosité et le cœur ne suffisent pas toujours
L’équipe d’Oum Dorman comme on aime à l’appeler a eu le mérite de nous faire prendre conscience de nos forces. Rabah Saâdane a trouvé une équipe détruite après deux éliminations sans gloire de la Coupe d’Afrique des nations, il en a fait un groupe, peut-être pas très talentueux, mais un groupe généreux, capable de laisser ses tripes sur le terrain pour l’Algérie. Cette générosité n’aura finalement pas suffi en Coupe du monde où les Algériens ont manqué d’ambition par la faute d’un effectif pas encore prêt à affronter les meilleurs de ce monde. C’était aussi insuffisant de nous faire oublier même un tout petit peu les prouesses de Assad, Madjer et Belloumi.
2014 : Feghouli et ses frères prennent le témoin
Dans la foulée de la participation en Coupe du monde 2010 et avec l’émergence d’un groupe de jeunes talentueux en Algérie et en Europe, une équipe est née. Certes, les résultats ne suivaient pas toujours comme cette élimination au premier tour de la CAN-2013, mais on voyait bien ça jouait bien. La Coupe du monde était pour beaucoup de ces jeunes qui n’ont jamais goûté au plaisir de jouer un Mondial d’écrire leur propre histoire et de nous faire oublier enfin l’épopée de 82. Non seulement il y a eu cette qualification historique aux huitièmes de finale, mais les records commencent à tomber. D’abord, le nombre de buts inscrits au premier tour : les six marqués par Slimani et les autres effacent les cinq de Madjer, Belloumi, Assad et Bensaoula. Ensuite et avec deux buts inscrits à lui seul, Slimani égale le record de Assad et peut même le battre ce lundi face à l’Allemagne. Enfin, inscrire quatre buts au cours d’un même match (NDLR : Algérie 4 - Corée du Sud 2) a fait entrer les Verts dans une autre dimension, puisqu’ils sont la seule équipe africaine à avoir marqué autant de buts en un seul match.
Il y a eu avant l’équipe du FLN
Avant l’équipe 82, la référence du football, c’était la glorieuse équipe du FLN qui a fait mieux que des résultats sportifs. Laisser la gloire, l’argent et pour certains la Coupe du monde pour épouser une cause nationale est le plus noble des sacrifices. Mekhloufi et ses frères l’ont fait. La génération 82 a pris le témoin, mais n’a pas effacé l’histoire. Celle de 2014 va nous faire oublier un peu son aînée des années 80, mais elle n’effacera pas non plus l’histoire. L’histoire du football est encore à écrire et le plus beau est à venir.
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