Auteur :
Hamza Rahmouni
samedi 09 avril 2016 20:45
La démission surprise de Christian Gourcuff à la tête de la sélection algérienne n’a laissé personne indifférent, y compris les grands entraîneurs. A l’instar de Raymond Domenech, ex- sélectionneur des Bleus entre 2004 et 2010. Très difficile à joindre, il a fallu passer par ses conseillers pour pouvoir l’interviewer. Domenech nous a livré ses impressions sur le départ de son ami Gourcuff et de l’avenir des Fennecs. Il parle aussi de l’intérêt de tous les entraîneurs de driver une équipe comme l’Algérie. Entretien !
Coach, peut-on connaître votre avis sur le départ de Christian Gourcuff ?
Sincèrement, j’étais surpris d’apprendre le départ de M. Christian Gourcuff de son poste de sélectionneur national. J’ai entendu dire que les joueurs étaient contents avec lui, eux qui étaient en phase de qualification à la prochaine CAN (édition 2017). Comme beaucoup de gens, j’étais surpris.
A votre avis, son départ pourrait-il être bénéfique aux Fennecs ?
Ecoutez, l’avenir n’est pas écrit encore. Nul ne peut le savoir. Je sais que le profil de l’équipe algérienne correspond parfaitement aux principes techniques de Christian Gourcuff. Lui, c’est un adepte du beau jeu et il a toujours instauré un style de jeu intéressant avec le 4-4-2. Mais pour l’instant, nul ne peut donner son avis sur son départ.
Vous qui êtes un technicien, pensez-vous que le passage de Gourcuff à la tête de l’Algérie a révolutionné son style de jeu ?
Non, on ne peut pas utiliser le terme « révolution » dans le football. Je pense que le dernier entraîneur à avoir fait une révolution, c’est Yohann Cruyff avec le football total. Sinon, pour tous les autres entraîneurs, on sait parfois bien simuler ou bien utiliser les principes. Pour revenir à Gourcuff, c’est un entraîneur méthodique qui a des principes de jeu bien clairs basé sur le 4-4-2 avec du beau football. C’est quelqu’un qui sait où il va arriver et comment il va le faire.
En quittant l’Algérie, Christian Gourcuff a apporté certaines critiques comme par exemple la violence dans les stades et même le manque de formation…
Sur le problème de formation, je pense que les choses s’améliorent. En Algérie, on commence à professionnaliser les clubs et donc les joueurs vont être des professionnels. Le travail ne va pas donner ses fruits aussi rapidement. Il faut du temps, il faut patienter. Même chez nous en France, lorsque nous avons mis en place les centres de formation, le résultat n’est pas venu du jour au lendemain. Beaucoup nous ont critiqués à cette époque-là, finalement ça a porté ses fruits. Il faut du temps, il faut des bilans pour faire le constat. Mais l’Algérie est sur le bon chemin.
Qu’est- ce que vous avez remarqué dans cette équipe algérienne ?
Le talent. C’est le premier point très important. C’est une équipe talentueuse avec de très bons joueurs qui peuvent réaliser de très bons résultats. Aussi, c’est une équipe qui a de l’envie et de l’enthousiasme. Moi, je compare cette équipe à celle de 1982 car elle est complète.
Vous la comparez à l’équipe de 1982…
Oui, à celle de 1982. J’étais proche de cette équipe et je l’avais beaucoup suivie. J’avais aussi comme joueur par la suite Salah Assad à Mulhouse. C’était une équipe vraiment exceptionnelle. Le talent des deux équipes se rapproche parfaitement. Il y a une forte ressemblance au niveau du talent, mais il faut continuer à travailler. Ça doit être une source de motivation pour le groupe actuel.
L’Algérie était le favori en puissance pour remporter la CAN-2015 en Guinée Equatoriale, mais ce n’était pas le cas. Qu’est-ce qui a manqué à l’équipe ?
Dans un tournoi, c’est vraiment différent par rapport aux autres matchs. Dans un tournoi, ce n’est pas toujours la meilleure équipe qui remporte le sacre. Il y a la chance et la réussite. C’est l’équipe qui a beaucoup de réussite qui gagne au final. Mais je pense que ce n’est pas la fin du monde. Au contraire, c’est une occasion de construire quelque chose de solide, sur de bonnes bases. Je vous donne l’exemple de l’équipe de France. Aimé Jacquet a perdu la demi-finale de la Coupe d’Europe des nations 1996 en Angleterre. Tout le monde disait que c’était catastrophique. Il avait été sévèrement critiqué. Finalement, c’est grâce à cette défaite que l’équipe de France a remporté la Coupe du monde 1998. Il faudra continuer à travailler et ne pas dire qu’on a échoué.
Quelle est la recette pour que l’Algérie devienne une machine à titres ?
Gagner un titre, c’est important car ça permet de marquer l’histoire. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que l’Algérie a marqué l’histoire. Il ne faut pas oublier les Coupes du monde 1982 et 2014 où l’Algérie a réalisé des exploits. Ça reste gravé dans la mémoire des gens. Je suivais les matchs des Verts en 2010 et 2014 et c’était un plaisir de les voir jouer. Le football, c’est beaucoup de choses. Il procure de la joie et du bonheur. C’est important de gagner des titres, c’est vrai, je suis d’accord, mais il y a aussi de bons souvenirs. Moi j’en ai trois lors des Coupes du monde.
Gourcuff est parti, peut-on voir Raymond Domenech à la tête de la sélection algérienne ?
(Rire). Sincèrement, je ne sais pas. Je ne peux rien vous dire. Seulement, une telle équipe fait rêver tous les entraîneurs. Lorsqu’on voit une telle équipe se produire sur le terrain, c’est un plaisir. Ça fait rêver les entraîneurs car on constate qu’il y a un bon coup à réaliser avec cette équipe. Nous les techniciens, on observe le volet technique et on fait notre constat. Pour l’équipe d’Algérie, il suffit de quelques réglages et d’ajustements, et ça ira dans le bon sens.
Donc ça vous intéresse d’entraîner l’équipe algérienne ?
Non, je n’ai pas dit ça. Tout ce que j’ai dit, c’est que voir une telle équipe jouer intéresse tous les entraîneurs. C’est une équipe qui a le potentiel et qui peut réaliser pas mal de choses.
On comprend donc que c’est le potentiel technique qui intéresse les entraîneurs…
Pas complètement. C’est vrai, c’est un atout très important. N’importe quel entraîneur prend du plaisir à suivre cette équipe. Et donc lorsqu’on voit un match de l’équipe algérienne, chaque entraîneur veut diriger une telle équipe qui pratique du beau football, avec une armada de joueurs sur le terrain et surtout cette grosse volonté chez les joueurs pour réussir.
De l’équipe de France à l’équipe d’Algérie, imaginez-vous un tel parcours ?
Dans le monde du football, on ne peut jamais prédire l’avenir. Tout ce qui se passe est lié au destin. J’ai pris la sélection française parce que j’étais à la DTN. J’ai donc suivi mes joueurs. Il ne faut pas oublier que j’étais sélectionneur des Espoirs pendant onze longues années, après j’ai fait six ans comme sélectionneur de l’équipe A. J’ai donc suivi les joueurs que j’avais avec les Espoirs. J’ai fais deux Coupes du monde avec l’équipe de France et une Coupe d’Europe. J’ai pris du plaisir avec les Bleus. Par la suite, j’ai décidé de prendre du recul car j’ai travaillé presque 17 ans sans arrêt comme sélectionneur. Ça a été un plaisir pour moi d’être sélectionneur.
Pourquoi être resté loin des terrains depuis la Coupe du monde 2010 ?
C’est pour des raisons personnelles. Je ne pouvais pas être loin de chez moi, mais je suis resté tout le temps en contact avec le football. J’ai fait deux Coupes du monde. J’ai goûté à des moments particuliers. Parfois ça marche bien, d’autres fois moins bien, mais je garde vraiment de bons souvenirs.
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