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mardi 19 janvier 2016 11:59
L’estadio José Rico Pérez n’est pas encore comble que les joueurs d’Alicante et du FC Barcelone se réunissent sur son pré. À l’heure de l’avant-match, les joggings sont encore sur le dos et les discussions vont bon train. Johan Cruyff, meneur de jeu blaugrana, bavarde ainsi avec Manolo Maldonado, alors directeur sportif de l’Hercules. Entre deux boutades, le Hollandais volant lui envoie une boutade en forme d’interrogation : « Pourquoi vous voulez autant de bons gardiens ? Donne-nous Deusto, on l’aime bien à Barcelone. » En concurrence interne avec Miguel Angel Santoro, portier de l’Albiceleste, Juan Antonio Deusto reste pour les aficionados d’Alicante une légende. Un statut d’idole dont il jouit également quelques kilomètres plus à l’ouest, à Málaga, là où il a construit la première partie de son mythe. Cette carrière sportive ascendante, construite entre un trophée Zamora et des capes avec la Roja, laisse ensuite place à une retraite d’abord malheureuse, puis funeste. Pour sûr, lorsqu’il décède le 21 juillet 2011 à Bilbao, il s'éteint dans le plus grand anonymat, lui l’ancien SDF qui fuyait l’aide de proches qui l’aimaient.
De Bilbao à Bilbao, par la Méditerranée
Plus que son lieu de mort, la capitale du Pays basque est avant tout son lieu de naissance. Lorsque le jeune Juan Antonio Deusto voit le jour le 8 janvier 1948 - dans ledit quartier de Deusto, premier district de Bilbao -, les Leones forment l’une des meilleures équipes d’Espagne. Positionné dès ses débuts dans les cages, il ravit ses dirigeants et intègre même la très sérieuse Selección Nacional de Aficionados. Plus qu’une promesse, il est considéré comme un futur grand de San Mamés. Problème, un certain Iribar garde les portes du temple. Face aux quelque 614 matchs sous la liquette rojiblanca et 49 capes avec la Roja de son concurrent, Deusto ne grappille que quelques miettes. En chiffres, son expérience chez les grands de l’Athletic se limite à onze petites rencontres disputées en quatre saisons. À l’été 1969, il décide donc de quitter le cocon basque et décolle pour l’extrême Sud du Royaume. En Andalousie, plus précisément à Málaga, il découvre les joies de la titularisation. Une confiance des dirigeants qu’il rend illico sur le pré : formidable portier, il permet aux Boquerones de retrouver l’élite du ballon rond d’outre-Pyrénées.
Aux côtés de Viberti, Migueli, Monreal, Orozco, Vilanova et Guerini, Deusto rend à Málaga ses lettres de noblesse en Liga. À défaut d’un titre collectif, il s’octroie même lors de l’exercice 1971-72 le trophée Zamora - qui, en son temps, avait également dû quitter l’Athletic pour fuir la concurrence avec Iribar -, prix récompensant le portier ayant reçu le moins de pions. Une première distinction qui lui ouvre une voie royale vers la sélection espagnole. Sitôt élu grâce à ses 17 buts encaissés en 28 journées, il reçoit ainsi un appel de László Kubala, légende hongroise du Barça et désormais sélectionneur espagnol. Sa première cape intervient en novembre 1973, lors d’un déplacement en terres allemandes. Toujours dans l’ombre d’Iribar, également taulier de la Selección, il gagne son match des doublures face à Reina père, et ce, jusqu’en novembre 1978. Entre-temps, Málaga retrouve la Liga Adelante, ce qui presse Deusto à déménager à Alicante à l’été 75. Une nouvelle fois soumis à rude concurrence, cette fois celle du portier de l’Albiceleste Santoro, il gagne pourtant ses galons de titulaire. En costaud.
« Sa vie dans la rue l’avait complètement défiguré »
Quatre saisons durant, Deusto fait mieux que de défendre les couleurs d’Alicante : il en devient l’un des emblèmes. C’est avec 223 matchs de Liga et 34 printemps derrière lui qu’il décide de raccrocher gants et crampons. Sa reconversion, il la trouve dans la section bingo de l’Hercules, alors à la recherche de nouvelles rentrées d’argent. Puis, toute sa vie s’assombrit. Suite à son divorce, il retrouve son Bilbao natal et tente d’y ouvrir un bar. La faillite qui s’ensuit l’amène à vivre dans la rue. Trop fier, il refuse toute aide. Son ancien coéquipier de l’Hercules, Benito Joanet, se souvient dans El Pais : « Je suis tombé face à lui à Las Palmas. Personne ne savait qu’il était parti là-bas. Au début, je ne l’ai pas reconnu. Sa vie dans la rue l’avait complètement défiguré. J’ai voulu l’aider, mais il a fait en sorte de ne pas donner suite. » Au fait de la nouvelle, l’association des vétérans de l’Athletic tente de renouer contact avec Deusto. Sans plus de succès. Les dernières années de sa vie, il les passe reclus dans l’appartement de sa sœur. Avant de trépasser, dans la plus grande solitude, le 21 juillet 2011, à 66 ans.
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