Ramon Calderon (ancien président du Real Madrid) : «L’Algérie possède d’excellents joueurs et le fait que Zidane et Benzema soient d’origine algérienne résume tout»

Une modestie royale et un sourire naturel n’ont pas quitté l’homme qui a été pendant trois années le boss d’un des plus prestigieux clubs du monde, le Real Madrid. C’est dans son bureau d’avocat, au cœur de la capitale espagnole, que Ramon Calderon nous a reçus pour revenir avec nous sur les années qu’il a passées à la tête des Merengue, comme président et la période où il a collaboré avec le premier responsable du club actuel, Florentino Pérez. Calderon revient sur plusieurs affaires, notamment le recrutement de Cristiano, le départ de Capello et Schuster, mais aussi sur les joueurs algériens qui évoluent en Espagne et plusieurs autres choses qu’on vous laisse découvrir dans cet entretien. 

Que fait actuellement Ramon Calderon loin du monde du football ?
Après avoir quitté mes fonctions de président du club de Real Madrid, je suis retourné à mon ancien travail d’avocat où je suis, comme vous le voyez, dans mon bureau. Mais j’ai travaillé aussi dans ce club avant même 2006 aux côtés du président actuel. Je pourrais dire dans ce cas que j’ai travaillé suffisamment dans ce club. Je reste toutefois naturellement un supporter du Real, je vibre pour chacun de ses succès et je m’attriste lorsqu’il perd. Mais je me contente de mon travail actuellement.
Comment vous est venue l’idée de vous porter candidat à la présidence du Real en 2006 ?
Avant 2006, j’étais directeur sportif du club, j’ai beaucoup appris pendant cette expérience. J’ai décidé de me lancer dans les élections à la demande de mon environnement. J’ai réussi finalement, et c’est un honneur pour moi, bien évidemment. Mais c’est une énorme responsabilité et une tâche plus difficile que tout autre chose. Si on veut juger mon bilan, je dirais que j’ai réalisé du bon boulot. Après trois années de disette, on est revenus en force. Avec Mijatovic comme directeur sportif et Capello comme entraîneur, on a réussi à changer les définitions et permettre à l’équipe de retrouver l’âme qu’elle avait perdue. On a renoué avec les titres en gagnant deux fois la Liga, sans oublier les nombreux prestigieux joueurs qu’on a fait venir, comme Van Nistelrooy, Sneijder, Robben, Marcelo, Pepe et Cristiano Ronaldo en 2009. C’était une bonne époque et difficile en même temps. Il y avait une pression terrible. Mais je ne regrette rien.
Vous avez, en effet, fait venir de grands joueurs. Quel est le meilleur joueur que vous avez recruté à votre époque ?
(Il rit). C’est vrai, j’ai réussi à recruter plusieurs joueurs très importants, comme Van Nistelrooy, un joueur extraordinaire qui a marqué beaucoup de buts et contribué aux consécrations de l’équipe. Il y a aussi Fabio Cannavaro, Ballon d’Or à cette époque. Il y a Marcelo, Pepe, mais le meilleur à mon avis est Cristiano Ronaldo. Après deux ans de lutte contre son ancienne équipe, Manchester United qui a refusé catégoriquement son transfert, on a réussi à le faire signer au Real. Toutes les équipes du monde le voulaient à cette époque. Mais contrairement aux autres clubs riches, le Real ne donne pas juste l’opportunité aux joueurs de gagner de l’argent mais aussi une pléiade de titres collectifs et individuels. Quand je l’ai contacté au début, il s’est excusé, il m’a dit qu’il y a un contrat avec son club Manchester. Mais après, la pression s’est accentuée sur le club anglais qui a exigé une grosse somme d’argent et que nous étions obligés de payer. Finalement, le joueur a prouvé sur le terrain et justifié le montant de son transfert.  
Vous avez par contre échoué dans d’autres cas de joueurs que vous avez promis de ramener…
J’ai promis de ramener Kaka, et j’ai tout fait pour cela. Mais la mission n’était nullement facile. Le Milan AC a opposé un niet catégorique à son transfert, on n’y pouvait rien. En 2007, on avait l’opportunité de le recruter, mais on m’avait dit que l’équipe n’avait pas besoin d’un joueur de son profil. Pour Fàbregas, tout le monde savait qu’il est natif de la Catalogne et qu’il était difficile pour lui de rejoindre le Real, j’étais compréhensif.
Avec vous, l’équipe est revenue en force en gagnant deux titres de champion, mais vous avez échoué en Ligue des champions, pourquoi ?
Ce n’est pas facile de gagner la Ligue des champions. Le Real est certes le leader dans cette compétition avec ses dix trophées, ce qui veut dire qu’il domine ses adversaires dans ce domaine, mais on ne peut gagner à tous les coups. Gagner la Ligue des champions fait toujours partie des objectifs de l’équipe au début de chaque saison, et j’espère qu’on remportera la 11e dans les plus brefs délais.
Vous avez décidé de vous séparer de Capello, après une seule saison, pourquoi ?
Il y avait unanimité dans l’équipe par rapport au départ de Capello. Il fallait un autre entraîneur pour un nouveau plan de jeu. Le public aspirait à voir une équipe qui pratique un beau jeu, un jeu spectaculaire et beaucoup de buts, et non pas une équipe défensive. Mais je dois dire que Capello a réalisé du bon boulot, j’ai été satisfait de son travail. Il nous a néanmoins rejoints dans une période difficile. On a changé 13 à 14 joueurs dans une seule saison. Tous ceux qui étaient au club m’ont dit que l’époque Capello était révolue et qu’il nous fallait un nouvel entraîneur.
Pensez-vous que Beckham n’avait plus rien à donner à l’équipe en partant en 2007 ?
Non, Beckham a réalisé un bon parcours avec l’équipe et gagné des titres avec nous. Concernant son départ, il a reçu une offre de Los Angeles Galaxy et préféré aller aux USA bien que nous lui ayons proposé une offre alléchante pour renouveler chez nous. Il a laissé sa place propre au Real. Tout le monde le vénérait, il était un exemple pour les enfants grâce à son professionnalisme. Tout le monde garde de bons souvenirs de lui, y compris moi.
Que s’est-il passé exactement en 2009 lorsque vous avez décidé de démissionner ?
J’ai eu une grosse pression, surtout pour ma famille. Après réflexion, j’ai dit stop. Plusieurs problèmes commençaient à faire surface au point où il y avait une grande anarchie au sein de mon bureau. Je ne pouvais plus continuer à travailler comme je l’entendais. En donnant ma démission, je pense que j’ai fait ce qu’il fallait pour moi, ma famille et l’équipe.
Que représente pour vous Florentino Pérez ?
J’ai travaillé avec lui au début, et il faisait un énorme travail, je dois le reconnaître. Mais par la suite, il a commis plusieurs erreurs. Il a été convaincu que la célébrité de l’équipe et les titres gagnés ont été suffisants pour lui. Mais en réalité, ce n’était pas suffisant, il fallait faire davantage d’efforts. En ce moment par contre, les idées qu’il veut mettre en œuvre sont révolues. Il s’est passé du poste de directeur sportif, il veut concentrer tous les pouvoirs, ce qui est une grosse erreur. Je lui souhaite bonne chance en tous les cas.
Pourquoi avez-vous recruté beaucoup de Hollandais ? Etaient-ils les meilleurs ou c’est juste une coïncidence ?
Non, ce n’était qu’une simple coïncidence. On ne les a pas recrutés pour leur nationalité mais sur la base de ce que nous ont proposé l’entraîneur et le directeur sportif. On n’avait pas l’intention de donner une étiquette hollandaise à l’équipe.
Quelle est la véritable raison du départ de Schuster ?
Schuster en personne a reconnu son incapacité de continuer son travail à la tête du club. Il a demandé à me voir dans mon bureau pour me dire qu’il ne pouvait pas poursuivre sa mission. Il a ajouté qu’il ne supportait plus la pression et que son départ fera du bien à lui et au club. Ce n’est pas moi qui ai décidé de le remercier mais c’est lui qui a décidé de son destin seul. J’ai été obligé de respecter son choix.
Vous avez dit que c’est vous qui avez fait venir Cristiano Ronaldo, pouvez-vous nous expliquer ?
Oui, c’est moi qui l’ai ramené. On était à Bogota, la capitale colombienne, pour un match amical contre Santa en 2008, et c’est là que je l’ai contacté. Il m’a dit : «Désolé monsieur, je souhaite vraiment rejoindre le Real, mais il y a un accord entre Ferguson et moi, qui est comme un père pour moi. Il m’a beaucoup aidé à aller en Angleterre et exploser mes capacités, mais je vous ai promis de venir la saison prochaine.» J’ai ensuite trouvé un accord avec Manchester qui a accepté mon offre de 80 millions de livres (90 millions euros) tout en arrachant l’accord du joueur. On a signé le contrat avec Manchester et Mendes, l’agent de Ronaldo. L’autre preuve, c’est qu’il a rejoint l’équipe en juin 2009 sans aucune autre négociation ou autre problème. C’était le transfert le plus cher. J’avais un peu peur de débourser presque 90 millions à cette époque mais le joueur a prouvé et prouve toujours qu’il mérite cette somme.
Ferguson n’était pas content certainement…
Ferguson est l’un des meilleurs entraîneurs, mais il n’a pas eu d’autre choix dans cette affaire. J’ai eu le même problème avec Robinho. Ce dernier s’est présenté en 2008 dans mon bureau le dernier jour des transferts pour me dire : «Monsieur, je veux partir.» Je ne pouvais faire autre chose qu’accepter. Je lui ai dit de ramener l’argent, avant de partir car l’équipe n’est pas ma propriété.
Quel commentaire faites-vous sur le départ de grands joueurs comme Raùl, Guti et Casillas ?
L’âge pousse certains joueurs à quitter le club, et il est regrettable de voir des joueurs de cette envergure partir. Même Messi et Ronaldo devront partir dans quelque temps. Mais le président actuel a commis une grave erreur dans la façon de pousser le joueur à partir. Il est vrai que Guti est sorti aussi par la petite porte, mais ce qui est arrivé à Raùl et Casillas est insensé. Casillas est un héros qui a tout gagné avec l’équipe nationale et le club. Et à son âge, il pourra durer 4 à 5 ans de plus dans le haut niveau. A mon avis, la libération de Casillas est une erreur et la manière  est encore pire.
Le Real a montré un grand intérêt pour De Gea. Pensez-vous qu’il mérite tout cet intérêt et est-il le mieux indiqué pour remplacer Casillas ?
De Gea est sans doute l’un des meilleurs gardiens de but au monde, il sera une bonne recrue, certes, pour le Real. Mais ce qui s’est passé dans les derniers moments du mercato où le club a échoué à le recruter à cause de l’arrivée en retard des documents du joueur est une négligence et une affaire mystérieuse. Sur le plan technique, je crois que De Gea peut être le remplaçant idéal de Casillas, mais actuellement, l’équipe possède deux bons gardiens qui sont Navas et Casilla. Je ne sais pas comment Navas se comportera avec cette situation. Dans les derniers jours du mercato, il s’est avéré que le Real ne lui faisait pas confiance et voulait le pousser à partir pour De Gea. En parallèle, Manchester United sait que De Gea souhaite jouer pour le Real, ce sera donc difficile pour les deux joueurs. J’espère que tout se passera bien pour eux, ce sont deux gardiens de haut niveau.
Qui est le meilleur pour vous, Ronaldo ou Messi ?
Il est impossible de comparer entre ces deux joueurs. Ils sont les deux meilleurs joueurs que j’ai vus dans ma vie. Il est vrai que j’ai vu Di Stéfano qui était extraordinaire et qui faisait des choses incroyables, mais il n’avait pas cette pression que subissent les joueurs d’aujourd’hui. Ce sera difficile de voir des joueurs comme Messi et Ronaldo dans l’avenir.
Est-il possible de voir Messi au Real ou Ronaldo au Barça un jour ?
Je crois que c’est très difficile. Leurs équipes respectives veilleront à ce qu’elles les gardent et évitent de les voir partir chez le club rival.
Et qu’en est-il de la possibilité d’un départ vers des clubs comme le PSG ?
Le PSG fait partie sans doute des grands clubs actuellement. Mais le dernier mot reviendra aux joueurs. Si l’un d’eux ira demander à son président de partir, il n’y aura aucune autre solution pour le retenir. Actuellement, je les vois heureux d’évoluer au Barça et au Real. Mais qui sait, ils peuvent décider un jour de partir. Si départ il y a de l’un d’eux, j’espère que ce sera Messi et non Ronaldo (il rit).
Mis à part ces deux joueurs, y a-t-il d’autres éléments qui méritent de grosses sommes pour les recruter ?
Oui, je vois qu’il y a ceux qui méritent. Je ne pense pas qu’on puisse donner de l’argent à des joueurs qui ne le mériteraient pas. Un grand joueur est celui qui est capable de tirer son équipe vers le haut et lui permettre de gagner des titres. Si c’est le cas, il mérite la somme qu’on débourse pour lui.
Prenons l’exemple de Pogba et la somme que lui a proposée Chelsea…
Cela dépend des intentions de Chelsea. Peut-être que ce club pense que le joueur est capable de donner le plus souhaité, donc il ne lésinera pas sur les moyens pour l’avoir. Cela m’est arrivé avec Ronaldo contre qui j’ai dépensé une grande somme d’argent, mais à la fin, il a tout gagné et prouvé qu’il mérite ce qu’on a déboursé pour lui.
Si vous étiez président, quel est le joueur que vous auriez recruté dans le dernier mercato ?
Etant donné qu’il est impossible de faire venir un joueur du Barça, je dirais Pogba. C’est un joueur que j’aime beaucoup, je pense qu’il est capable de donner un plus au Real Madrid.
Que savez-vous de l’équipe d’Algérie ?
Je sais que la sélection algérienne possède d’excellents joueurs. Du moment que Zidane est d’origine algérienne, idem pour Benzema, cela résume tout. Je sais que le football est un sport populaire en Algérie et beaucoup de jeunes le pratiquent. L’Algérie pourra avoir une place dans le gotha mondial.
Avez-vous suivi son parcours lors du dernier Mondial ?
J’ai suivi le Mondial d’une manière générale et non pas les matchs de l’Algérie spécialement. Je me rappelle de la rencontre face à l’Allemagne. Les Algériens ont démontré qu’ils ont du potentiel, je pense que vous avez beaucoup de joueurs qui évoluent en Europe. Je sais qu’il est difficile de rivaliser avec les grandes nations du football, vu la différence des moyens notamment matériels, mais je suis persuadé que votre équipe sera à la hauteur.
Il y a certains joueurs algériens qui évoluent dans la Liga comme Feghouli, Ghilas et Brahimi, qui a joué à Granada avant de rejoindre Porto, que pensez-vous de ces derniers ?
Ils ont un bon niveau bien évidemment, du moment qu’ils jouent en première division espagnole, surtout Feghouli qui joue à Valence. Ce sont des joueurs capables de donner un plus à la sélection et de l’emmener vers les compétitions les plus prestigieuses.
Benitez était intéressé par le recrutement de Ghoulam qui joue à Naples. Approuvez-vous son idée ?
 Franchement, je ne peux pas commenter cette affaire, et je ne sais pas si Benitez a raison ou tort de vouloir recruter ce joueur.
Un dernier mot pour les fans madrilènes en Algérie ?
Je sais bien que le Real possède une base populaire importante en Algérie. Nous sommes contents ici à Madrid de partager avec eux la joie des victoires à chaque fois. Je souhaite gagner encore une fois la Ligue des champions pour la leur dédier.
 

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