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mardi 10 mars 2015 22:17
Son doublé, dimanche à Montpellier (5-1), a rythmé une nouvelle sortie de premier plan et permis à l’Olympique Lyonnais, son club formateur, de reprendre la première place du championnat au Paris-SG. Il a peut-être aussi permis aux rares personnes qui n’avaient pas encore cerné son immense potentiel de mieux comprendre pourquoi le football algérien, à commencer par son patron, le président de la Fédération, Mohamed Raouraoua, a fait tout son possible pour convaincre l’international Espoirs français de porter le maillot du pays où ses parents ont vu le jour. Nabil Fekir, 21ans, a finalement réglé le choix cornélien. C’est avec l’équipe de France qu’il compte s’exprimer sur la scène internationale. Si Didier Deschamps choisit de l’appeler, ce qui ne fait plus guère l’ombre d’un doute, Fekir, enfant de la banlieue lyonnaise, devrait découvrir la vie en bleu à la fin du mois contre le Brésil. Il y a pire, comme adversaire, pour débuter une carrière internationale, non ?
Depuis plusieurs semaines, votre avenir international est l’objet d’intenses spéculations. Dimanche, “L’Équipe” affirmait que vous avez opté pour la France, une information confirmée du reste par Bernard Lacombe, le conseiller de Jean-Michel Aulas à Lyon. Vous le confirmez ?
Oui, je confirme. La France, c’est mon choix.
Qu’est-ce qui a fait pencher la balance ?
Je me suis entretenu avec Didier Deschamps qui s’est montré très convaincant. Il m’a dit qu’il comptait sur moi, que j’étais un joueur intéressant. Il y a une échéance importante qui arrive, l’Euro-2016. J’ai très envie d’y participer. Je suis français d’origine algérienne, et j’en suis très fier, mais j’ai estimé qu’il était de mon intérêt d’opter pour la France.
Vendredi dernier, vous avez appelé Christian Gourcuff, le sélectionneur de l’Algérie. Que lui avez-vous dit ?
Oui, je l’ai appelé pour lui dire que mon choix n’était pas fait. Je n’aurais pas dû l’appeler. J’ai commis une erreur. J’avais un peu la pression, en fait.
Assumer ce choix, c’est difficile ?
Je n’ai pas peur, en tout cas. J’ai fait un choix personnel et j’espère que tout le monde le respectera.
Comment espérez-vous être perçu en Algérie ?
Je m’y rends de temps en temps. J’espère juste être considéré comme un Français d’origine algérienne. Ni plus, ni moins. Moi, j’aime autant la France que l’Algérie. Tout simplement.
De loin, on peut avoir l’impression que l’Algérie représentait le choix du coeur, la France celui de la raison.
Chacun peut comprendre que je n’étais pas confronté à un choix simple. Je n’avais jamais été sélectionné en équipe de France jeunes. En revanche, j’ai déjà été appelé une fois en Espoirs. Il y a donc une certaine logique à ce qu’après les Espoirs, mon ambition soit de rejoindre la grande équipe de France. L’Algérie est une partie de mon coeur, la France aussi. Mon père aurait aimé me voir jouer pour l’Algérie. Mais c’est moi le joueur, c’est moi qui suis sur le terrain. Ce sera l’équipe de France et ça ne changera plus ! Je suis très attaché à cette équipe. Je voudrais qu’il n’y ait aucune ambiguïté à ce niveau-là.
Le règlement vous permet de porter le maillot de l’Algérie, si vous ne jouez que des matchs amicaux avec les Bleus. Et le prochain match officiel de la France, c’est en juin 2016 avec l’ouverture de l’Euro…
J’ai pris une décision, elle est définitive.
Dire non à l’Algérie, c’est…
C’est dur. D’autant que beaucoup de gens m’ont poussé à jouer pour l’Algérie.
Vous aviez cinq ans en 1998 quand les Bleus ont été sacrés champions du monde, sept en 2000 quand ils ont remporté l’Euro. Que représente l’équipe de France pour vous ?
J’ai suivi le Mondial-2014. La France a réussi son parcours mais est tombée sur une équipe d’Allemagne costaude. Ça reste une très grande nation de football. Elle est entrée dans l’histoire du foot quand j’étais tout petit. J’en garde un souvenir assez lointain, de gens heureux dans les rues. Ça fait rêver tout ça, évidemment. Mon plus gros souvenir, c’est la Coupe du monde 2006, la Panenka de Zidane en finale contre l’Italie. Jouer pour la France, c’est un rêve de gosse pour moi.
Chez les Bleus, il va sans doute vous falloir être patient. Avec Valbuena, Benzema et Griezmann, Didier Deschamps tient son trio d’attaque…
Il y a, effectivement, de très, très bons joueurs. C’est un risque à prendre et je suis prêt à le prendre. Si je suis appelé chez les Bleus, je sais très bien que ce n’est pas pour être titulaire d’entrée. Une carrière se construit par étapes. La France a les moyens de gagner à nouveau des titres.
Vous imaginez gagner l’Euro ?
Mais je ne sais même pas si je serai dans le groupe ! Maintenant, les Bleus ont toutes les qualités pour s’imposer, oui.
Si vous êtes appelé, vous savez à quoi vous attendre. On va forcément vous comparer à Zidane…
Honnêtement, la comparaison est flatteuse pour moi. Mais soyons sérieux, je suis très, très loin du niveau de Zidane. Je suis assez lucide, et également les gens qui m’entourent, me conseillent ou m’entraînent, pours avoir que je suis très, très loin du niveau de Zidane. Je ne suis pas encore un joueur de niveau international, mais je vais bosser dans mon club pour tenter d’y parvenir. Pour en revenir à Zidane, on a au moins un point commun. Nous avons dû faire le même choix. Comme moi, il est né en France. Comme moi, ses parents sont nés en Algérie. J’ai fait le même choix que lui.
Vous n’aurez que 22 ans le 18 juillet prochain. Parfois, n’avez-vous pas l’impression que certains débats vous dépassent ?
Je suis passé par des moments compliqués, évidemment. J’ai essayé de faire un peu le vide et de me concentrer sur mon club, l’OL. Je suis encore jeune, c’est vrai.
À Montpellier, dimanche, vous avez réussi une prestation d’autant plus impressionnante que vous veniez de vivre plusieurs journées très agitées…
Je crois que j’en ai impressionné plus d’un, oui. C’est une question de mental. Je suis un joueur qui a du mental, le caractère pour faire abstraction de tout ce qui peut se dire. J’ai préparé le match comme d’habitude. Mes coéquipiers n’ont pas eu une attitude différente à mon égard, eux non plus. Ils ont confiance en moi. Le staff aussi. Si j’avais à coeur de faire un très gros match, c’était pour répondre aux piques de mon coach. Je crois que j’ai répondu présent.
Avant ce match, Hubert Fournier, votre entraîneur, vous avait invité à davantage vous exprimer sur le terrain que dans les médias.
Je suis tout à fait d’accord avec lui, le terrain est le plus important.
Vous êtes vraiment titulaire à Lyon depuis cette saison. Comment vivez-vous cette exposition nouvelle ?
Très bien. Je dors bien, je vous rassure. Vous savez, quand je joue, tout va bien. Je suis un mec heureux, même si je trouve qu’on parle un peu trop de moi à mon goût. Maintenant, il paraît aussi que tous les bons joueurs font parler d’eux. Si on parle de moi, ça doit être bon signe. Moi, je n’ai pas changé. J’ai les mêmes amis. Dabo, Ghezzal, Yattara, Njie.
Un flou entoure aussi votre carrière en club. Qui gère vos intérêts ?
J’ai quitté mon ancien agent pour des raisons personnelles.
Beaucoup d’agents vous ont alors approché…
C’est moi qui ai décidé d’appeler Jean-Pierre Bernès ces derniers jours pour travailler avec lui. C’est le numéro 1 français. Son expérience doit me permettre d’atteindre le plus haut niveau.
Qu’en pensent vos dirigeants à Lyon ?
Au club aussi, je suis bien entouré. Jean-Michel Aulas et Bernard Lacombe me soutiennent beaucoup. Ils cherchent à me protéger. Leur présence est une chance pour moi.
Vous êtes sous contrat avec Lyon jusqu’en 2019. Vous découvrirez la Ligue des champions avec votre club formateur…
C’est l’objectif. Nous sommes bien partis pour, mais il faut rester en haut du tableau.
Lyon sera champion, à votre avis ?
On l’espère, oui. Mais il reste dix journées, c’est long. Avec Alexandre Lacazette et Yoann Gourcuff, on s’entend vraiment bien. C’est tant mieux pour l’équipe.
Dimanche, un match important vous attend à Marseille, entre deux concurrents directs pour le titre.
Ça peut être un rendez-vous décisif. Je suis confiant.
Vous vous revoyez au stage de préparation du début de saison avec l’OL ?
Franchement, je n’imaginais pas vivre une saison pareille. Mon but, c’était déjà de jouer avec Lyon. Les sélections, ce n’était pas trop dans ma tête. Ça vient, et c’est tant mieux pour moi. Je suis satisfait, mais je peux faire mieux dans tous les domaines : le travail défensif, les replis, le positionnement sur le terrain. Je vais travailler dur pour progresser. Pour moi, tout ne fait que commencer, en fait.
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