Auteur :
Hamza R.
samedi 14 février 2015 21:09
Gérard Dreyfus, un nom qui ne dit sans doute rien aux jeunes actuellement. Et pourtant, il possède une carrière très riche que peut-être aucun journaliste au monde n’a. Il marque sa présence dans cette CAN 2015 qui en est à sa dix-neuvième édition. Il a aussi dix Coupes du monde couvertes et huis fois les JO. Ce journaliste français qui a passé la majorité de sa vie professionnelle chez RFI où il a été chef du service des sports, se trouve à Malabo et nous raconte sa passion du football africain.
Les jeunes ne vous connaissent pas mais vous en êtes quand même à dix-neuf éditions de Coupe d’Afrique des nations, ce qui constitue un record…
Je ne sais pas s’il s’agit d’un record. Les sportifs sont là pour battre des records, mais je ne pense que ce soit le cas aussi pour les journalistes. Enfin, je suis témoin de trente-cinq années de football africain et durant lesquelles j’ai pu assister à beaucoup de phases finales de la CAN. Celle-ci, c’est la dix-neuvième édition. Je vais peut-être un jour fêter mon jubilé (rires), mais en vérité ce sont trente-cinq ans de passion. J’ai commencé comme journaliste à RFI et vers 1972, on m’avait dit qu’un nouveau poste allait être mis en place, à savoir journaliste sportif en Afrique. Et comme c’était à volonté, j’ai choisi ce domaine-là. Quelques mois après, il y a eu cette CAN en 1972, que j’ai dû écouter de loin. Idem pour les éditions 1974, 1976 et 1978. Ma première présence lors d’une phase finale de la CAN était en 1980 au Nigeria. Dieu merci, j’ai commencé par l’édition la plus dure.
Pourquoi la plus dure ?
C’était l’édition la plus dure de la CAN. Les conditions étaient très difficiles, mais je pense que cela a servi pour que les éditions suivantes soient plus organisées. Pour celle du Nigeria, c’était spécial. Je n’oublierai jamais cette fameuse finale face à la jeune équipe d’Algérie pour qui c’était une première. Il y avait le président de la République du Nigeria qui hurlait dans le stade et, derrière lui, il y avait 100 000 spectateurs. Les conditions étaient difficiles.
Parmi les différentes éditions, laquelle vous a marqué le plus ?
C’était celle de 1984 qui a eu lieu en Côte d’Ivoire. J’avais débarqué à Abidjan avec un capital expérience, mais aussi avec une idée bien précise sur le football africain. Cela a été aussi une occasion pour moi de découvrir les valeurs du football africain et d’autres cultures aussi. Pour moi qui commentait les matchs sur RFI, toutes les rencontres étaient en direct et le niveau technique du tournoi était excellent. Je faisais des émissions avec des invités intéressants.
Parlez-nous de votre première CAN en 1980 au Nigeria…
Oui, ç’a été la plus dure comme je vous l’ai dit. C’était aussi la première finale pour l’Algérie. Aujourd’hui, je peux vous dire que c’était pratiquement impossible de voir l’équipe d’Algérie s’imposer lors de cette finale face au Nigeria. Il y avait un grand danger pour cette jeune équipe, qu’on a découverte en 1979 lors de la Coupe du monde au Japon. Il y avait un danger sur l’équipe algérienne et je parle d’un danger physique. On ne savait pas ce qui pouvait arriver en cas de défaite du pays hôte. A l’époque, on organisait la CAN pour la remporter et non pas pour la perdre. C’était vraiment impossible de voir les Algériens s’imposer.
Mais quelques mois après, les Fennecs s’étaient imposés à Lagos dans ce même stade 2-0 lors des éliminatoires de la Coupe du monde 1982…
Oui, c’était un exploit de voir cette équipe algérienne, qui a joué la peur au ventre en 1980, s’imposer au début de l’année 1981 à Lagos dans des conditions presque similaires. Dommage que j’ai raté cette rencontre, mais j’ai suivi celle de Constantine, je l’avais commentée en direct sur RFI. J’avais la chance d’avoir un de mes amis proches, un certain Mustapha Dahleb, même si je connaissais les autres joueurs, notamment ceux qui évoluaient en France. Je n’oublierai pas les moments vécus à Constantine. Les gens avaient passé la nuit devant les portes du stade qui a été pris d’assaut dès les premières heures de la journée. A 9h, il était plein comme un œuf. Après le match, je me souviens que j’ai rejoint Alger dans le même vol que les joueurs et c’est mon ami Mustapha Dahleb qui me l’a demandé. Par la suite, j’ai accompagné l’équipe d’Algérie en Coupe du monde 1982. Là, je me souviens d’une anecdote qui m’est restée gravée dans la mémoire. J’étais parti en voiture pour voir Allemagne - Autriche. Ce match intéressait les Algériens pour savoir s’ils seraient qualifiés ou pas au deuxième tour. J’avais donc emmené Dahleb, Kourichi et Guendouz, dans ma voiture. Je me souviens aussi qu’il y avait un quatrième mais je n’ai pas le nom en tête. En fin de match, c’était la déception totale. On était tous abattus. J’étais convaincu d’une énorme injustice.
Lors des CAN 1982 et 1984, l’Algérie avait raté de justesse la consécration…
Oui, je m’en souviens. C’était l’époque où l’Algérie avait une bonne équipe. Je me souviens aussi qu’après l’élimination des Fennecs lors de la CAN 1982, j’avais interrogé deux techniciens allemands qui travaillaient en Afrique. Otto Pfister m’avait dit : «L’Allemagne va s’imposer 7-0 face à l’Algérie». Le second technicien, à savoir Peter Schnittger avait quant à lui parié sur «une victoire de l’Allemagne 3-0». Mais le résultat, tout le monde le connait. En 1984, je me rappelle de ce que j’avais dit à Omar Kezzal, après le fameux Algérie - Nigeria qui s’est soldé par un nul à Bouake : «Vous savez, président, quant on a vécu Allemagne - Autriche, on n’a pas le droit de jouer de la sorte aujourd’hui». Ce qui avait frappé mon esprit, c’est que Omar Kezzal m’avait répondu, alors qu’il aurait pu ne pas réagir et ne pas répondre. Je suis persuadé que d’autres n’auraient pas répondu à une telle question au micro. C’était un grand homme qu’on a perdu trop tôt. C’est vraiment dommage ! Il était même intéressé par un match France - Algérie en 1987. Il m’en avait parlé et j’en avais même parlé au président de la FFF de l’époque, mais qu’il ne voulait pas sous prétexte que les Bleus avaient un programme à long terme, ce qui était totalement faux.
Mais vous avez eu la chance d’assister à l’unique sacre de l’Algérie…
Oui, je pense que ce n’était pas la meilleure équipe d’Algérie qu’on ait connue, mais elle a été championne d’Afrique. J’avais beaucoup apprécié Chérif El Ouazzani. Il y avait en attaque Menad et Madjer.
Vous avez eu la chance aussi de couvrir une CAN où il y a eu un fait similaire à l’actuelle édition, à savoir le tirage au sort pour la qualification au deuxième tour. A l’époque, ça concernait l’Algérie et la Côte d’Ivoire…
Oui, j’avais même assisté à ce fameux tirage au sort pour départager l’Algérie et la Côte d’Ivoire. En face, il y avait une seule place pour les demi-finales et l’autre équipe devait plier bagage. C’était un moment difficile car ça s’est joué en quelques secondes. Mais je précise que dans les règlements de la FIFA, le tirage au sort existe en dernier ressort pour départager deux équipes, il faut bien le savoir.
Qu’est-ce qui a changé depuis l’édition de 1980 ?
Sincèrement, beaucoup de choses ont changé. Par le passé, l’arbitre assistant qui signalait le hors jeu était lui-même en position de hors jeu (rires). Aujourd’hui, les tournois sont bien organisés et le football africain a beaucoup progressé au fil du temps avec l’équipe du Nigeria de 1994 et celle d’Egypte de Hassan Shehata.
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