40 ans après l’exploit de Gijón contre la RFA
Kourichi : «Après cette prouesse l’Algérie est devenue plus connue sur la scène sportive mondiale»
«En tant que responsable de l’amical des anciens joueurs, Fergani aurait pu nous réunir»
«On a eu le mérite de changer le système de compétition après le match de la honte Autriche-Allemagne»
«Il faut rester derrière Djamel, il a la compétence pour hisser l’Algérie vers le sommet»
Aujourd’hui 16 juin 2022, cela fera exactement 40ans, jour pour jour, après la victoire de légende obtenue par l’Algérie face à l’ogre allemand en 1982, champion d’Europe 1980 et finaliste de cette 12e édition de Coupe du monde jouée en Espagne et perdue contre l’Italie. L’ancien défenseur central de l’EN, Noureddine Kourichi, se souvient encore de cet exploit historique des Verts et nous fait vivre au moindre détail cet événement mémorable du sport algérien. Kourichi revient aussi sur le retour en force des capés de Belmadi et appelle à cesser les critiques négatives qui nuisent à l’Algérie du football.
Tout d’abord, pouvez-vous revenir sur ce beau souvenir vécu un certain 16 juin 1982 et ce premier succès des Verts en Coupe du monde contre la RFA ?
On y revient souvent, mais ce jeudi cela fera 40 ans si on veut considérer cela comme un anniversaire. Le peuple algérien parle toujours de cette équipe 82 qui avait battu l’ogre du football mondial à cette époque, l’Allemagne en l’occurrence. Après avoir remporté ce match, tout le monde a pris connaissance de notre pays.
Avant cette rencontre, l’entraîneur allemand Jupp Derwall avait déclaré que s’il perdait contre l’Algérie il allait rentrer en train en Allemagne. Des joueurs comme Breitner, Karlheinz Rummenigge parlaient d’un score lourd. Comment avez-vous vécu leurs déclarations ?
Il n’y avait pas Internet comme aujourd’hui mais on pouvait lire cela dans la presse espagnole. Par exemple à trois jours de cette rencontre, on voyait sur les journaux les joueurs allemands déjà en détente, ils sont allés se baigner dans les plages de Gijón et se baladaient en claquettes. C’est dire qu’ils pensaient que cette empoignade face à l’Algérie était une simple formalité. Bien entendu, cela nous a motivés et poussés à les surprendre. Après à l’arrivée, on a pu les battre et créer la sensation de ce Mondial 82.
Comment avez-vous réussi à infliger aux champions d’Europe leur premier revers après une longue série d’invincibilité ?
Surtout avec nos qualités purement algériennes. C’est-à-dire avec une bonne maîtrise technique, et une rapidité gestuelle propre à nous. C’est ainsi qu’on a forcé l’admiration de tous les amoureux du football à travers le monde et aussi on a pu rendre fier le peuple algérien.
Parlez-nous un peu de ce duel de titans avec Horst Hrubesch ?
Je le connaissais assez bien parce que tout simplement je l’avais eu comme adversaire quand j’étais joueur aux Girondins de Bordeaux. Je me rappelle bien, c’était 5 ou 6 mois avant le Mondial 82. Il était à l’époque à Hambourg. C’était un buteur redoutable que j’ai réussi à le neutraliser en aller et retour même si j’avais perdu le match retour. Je connaissais bien ses déplacements, donc j’avais mis en garde Dahleb et Assad de faire attention à ce que Manfred Kaltz ne fasse pas de centres car la force de Hrubesch était dans son jeu de tête. C’est pour vous dire que cet exploit était l’œuvre de tout un groupe et de toute une équipe qui a procuré énormément de bonheur à plus de 20 millions d’Algériens.
Après on a été volés avec ce match de la honte entre l’Allemagne et l’Autriche. Avez-vous pensé à introduire un recours au niveau de la FIFA comme on l’a fait maintenant, suite à l’arbitrage controversé de Gassama ?
On s’est contentés d’une réclamation. Il faut dire qu’on n’avait pas à cette époque beaucoup de pouvoir dans le monde du football. Le président de la FIFA João Havelange avait pris note de la réclamation de notre président. Après, on n’avait pas la puissance et l’influence de l’Allemagne de cette époque. Je préfère m’arrêter là.
40 ans après, vous qui aviez participé à la Coupe du monde en tant que joueur à deux reprises et une seule fois en tant qu’entraîneur en 2014 au Brésil, qu’avez-vous à transmettre aux jeunes algériens ?
Ce que je veux dire est que cette histoire restera une belle page de notre football mais ce qui me fait vraiment mal est le fait qu’on ne pourra jamais se regrouper tous ensemble, surtout après les décès de Mansouri Faouzi et de Mehdi Cerbah. C’est regrettable car on n’a jamais eu l’idée de nous réunir. Je suis très déçu que ce soit de la part de la FAF, du MJS ou de l’amical des anciens joueurs dirigé par Ali Fergani. Je le respecte beaucoup en tant qu’homme mais en tant que responsable de cette association, je veux dire qu’on aurait bien aimé qu’il fasse quelque chose pour nous réunir au moins une seule fois en 40 ans. Pour moi, c’est un manque de respect.
Belmadi, maintenu dans son poste d’entraîneur de l’équipe nationale, est arrivé à redémarrer avec 3 succès. Pensez-vous qu’il a bien fait aussi d’injecter du sang neuf dans cette sélection ?
Déjà il faut respecter le choix de l’entraîneur, il faut le laisser travailler. En Algérie on est souvent dans la critique négative. Gardons ce qu’il a réalisé depuis son arrivée il y a 4 ans et arrêtons de tout dénigrer. C’est vrai qu’il y a eu cette élimination de la Coupe du monde contre le Cameroun, mais il faut penser à l’avenir maintenant, il y a la CAN qui arrive très vite. Il faut rester derrière le sélectionneur car c’est lui qui détient les rênes techniques de la sélection et la compétence pour emmener l’Algérie vers le sommet et les victoires.
Surtout que des sélections ont payé cash les changements d’entraîneurs à l’image de la Côte d’Ivoire puis l’Égypte …
Exactement, car quand on construit, on commence toujours par le bas. Aujourd’hui pour notre part, on n’est pas tout à fait en haut, donc laissons Djamel travailler et soyons rassembleurs. La critique négative ne sert à rien. De toute façon Belmadi est là jusqu’à la fin de son contrat et soyons solidaires de son potentiel qui peut donner à cette équipe nationale.
Pour un ancien joueur et entraîneur de l’Espérance comme vous, quelles sont les chances des équipes arabes engagées dans cette Coupe du monde et quelle est l’équipe à même d’aller au second tour ?
Je dirai que chaque nation possède une chance de faire sensation dans un Mondial qui se jouera pour la première fois dans un pays arabe. Maintenant si on parle du potentiel parmi ces équipes-là, je vois bien le Maroc de Vahid Halilhodzic. C’est vrai qu’il est très critiqué mais je pense qu’il a les joueurs pour faire quelque chose de bien. Avec son expérience, Vahid peut refaire le coup de l’Algérie en 2014 au Brésil. Après, le Qatar à domicile sera sûrement motivé mais pas suffisamment armé pour chambouler la hiérarchie. La Tunisie est une équipe imprévisible, défensivement, c’est solide, mais devant je ne vois pas vraiment beaucoup de qualités pour espérer faire une grande Coupe du monde.
Vahid reste quand même un entraîneur tout le temps critiqué, c’était le cas en Algérie en 2014, surtout après le revers essuyé contre la Belgique…
Oui, mais pour notre premier match, on avait joué l’une des meilleures équipes du monde de l’époque, la Belgique. Les gens oublient mais à la mi-temps on était devant. Après, on a perdu deux buts à un. Le match de la Russie était aussi très intéressant surtout contre un entraîneur d’envergure sur le plan tactique, en l’occurrence Fabio Capello. La suite on le connaît, un match mémorable et de légende en huitième de finale de Coupe du monde face aux champions du Monde allemands. Vahid était critiqué mais il était sorti grandiose du Mondial 2014.
Merci ! Un dernier mot pour clore cet entretien ?
J’ai envie de dire que ce qui s’est passé avec cette élimination de la Coupe du monde est derrière nous. Restons solidaires et unis derrière notre équipe nationale pour le bien de l’Algérie et de la sélection.
Entretien réalisé par Moumen Aït Kaci Ali
Publié dans :
Kourichi
Algérie vs RFA;