Interview

Diego Simeone : « J’aimerais prendre en main l’Albiceleste d'ici 12 à 14 ans »

Profitant de son passage par Zurich lors de la cérémonie du Ballon d’Or, Diego Simeone a parlé de la philosophie de l'Atlético, un avenir possible comme sélectionneur, la relation particulière qu'il entretient avec les supporters du Real Madrid.

Auteur : lundi 26 janvier 2015 10:25

Diego, vous avez été reconnu comme l'un des trois entraîneurs les plus importants de l'année. Est-ce une distinction qui compte à vos yeux ?
La reconnaissance est bonne quand elle vient des footballeurs. S'il s'agit de joueurs du monde entier, c'est encore mieux. Ce n'est pas déterminant, car le football est fait de lendemains et il faut sans arrêt être à la hauteur des récompenses qu'on vous donne. Mais quand ce sont des footballeurs qui parlent, c'est différent, il n'y a aucun doute là-dessus. Je suis heureux d'être en concurrence avec des entraîneurs comme Joachim Loew et Carlo Ancelotti mais surtout, cela me donne encore plus d'énergie pour continuer de travailler et de progresser.

En Espagne, on s'est longtemps polarisé sur les styles de José Mourinho et Pep Guardiola. Peut-on dire aujourd'hui qu'il existe un style du Cholo Simeone, le "Cholismo" ?
J'ai une identité de jeu clairement définie, c'est certain. Je dis toujours que les équipes qui ont le mieux reproduit mon idée du football sont Estudiantes de La Plata, que j'ai pu entraîner pendant un an et demi, et l'Atlético de Madrid. Je n'irais pas jusqu'à parler de "Cholismo", mais il n'en reste pas moins vrai que mes équipes jouent d'une manière bien déterminée.

Certains disent qu'il s'agit seulement d'un jeu basé sur de longs ballons en avant…
Non, ça c'est ce que disent ceux qui ne trouvent pas la solution contre nous. Ce n'est pas mon problème !

On parle souvent des "guerriers" d'El Cholo, de leur sens du sacrifice. Ne pensez-vous pas qu'à force d'insister sur cet aspect, on sous-estime les autres qualités de votre équipe ?
L'une des beautés du football est son immensité : personne n'a raison, ou plutôt tout le monde a raison en même temps. Il y a mille façons de jouer. Moi, je vais au-delà des caractéristiques de chaque joueur afin de mettre les individualités au service du collectif. Cela dit, dans toutes les finales que nous avons jouées, j'ai utilisé ceux qui sont considérés comme les meilleurs joueurs de mon effectif. Mais je ne crois pas que l'on gagne seulement avec le talent. Le talent a besoin d'être servi par les efforts. Ce mélange ne peut se faire que si l'on joue en équipe.

Vous dites souvent que le travail n'est pas négociable. Qu'est-ce qui l'est ?
L'humain. Je suis prêt à discuter de tout, à condition que ce soit en face. Si on veut discuter, il faut le faire en se regardant droit dans les yeux, pas en utilisant des intermédiaires. Je n'aime pas les intermédiaires.

Sur les décisions que vous avez prises en 2014, y en a-t-il une que vous regrettez ?
Non, je n'en regrette aucune mais comme toujours, certaines décisions n'étaient peut-être pas les bonnes. Il aurait été mieux de faire autre chose. Mais il est toujours facile de parler a posteriori…

La titularisation de Diego Costa en finale de la dernière Ligue des champions entre-t-elle dans cette catégorie ?
Non, au contraire. Ce fut une décision extrêmement réfléchie. La veille, il courait les 100 mètres comme un sprinter professionnel. Je me suis dit que s'il arrivait à tenir 45 ou 50 minutes à ce rythme, ça en valait la peine. Costa est un joueur très important pour nous. Malheureusement, le destin en a décidé autrement et nous avons perdu la possibilité d'avoir un joueur décisif. Ce ne fut pas le seul. Arda Turan aussi s'est blessé et n'a pas pu jouer. Malgré cela, nous avons produit un match d'un très haut niveau.

L'avez-vous revu depuis ?
Non, non non ! On ne peut pas refaire le match. Alors à quoi bon le revoir ?

Comme entraîneur, vous avez le même caractère que lorsque vous étiez joueur. Cela vous joue-t-il parfois de mauvais tours ?
Non, c'est ma personnalité, et chaque entraîneur à la sienne. Quand j'aurai grandi dans ce métier, j'aurai peut-être une autre gestuelle. Mais ce n'est pas certain. Aujourd'hui, je me sens jeune, plein d'énergie. Je participe au match à ma manière.

L'Atlético de Madrid était considéré comme une équipe sympathique, destinée à souffrir. Quelle place occupe-t-elle actuellement ?
Lors de ma première conférence de presse après mon arrivée à l'Atlético, j'ai dit que cette équipe aspirait à jouer les trouble-fêtes. Quand vous avez comme adversaires le Real Madrid et Barcelone, des équipes qui ont l'obligation de gagner la Ligue des champions tous les ans, c'est forcément très compliqué. Nous avons été capables de rompre cette hégémonie. Je l'avais déjà fait en 1996 comme joueur. Ils ont le pouvoir économique et de très grands joueurs mais avec le temps, nous avons atteint une régularité - et c'est ça le plus difficile en football - qui nous a permis d'être plus que des trouble-fêtes. Cela fait maintenant plus de trois ans que nous rivalisons sur un pied d'égalité avec eux.

À votre avis, quelle image les supporters du Real ont-ils de vous ?
Une image ambiguë j'imagine. D'un côté, il est évident que je ne leur plais pas mais de l'autre, je sens beaucoup de respect dans la rue. Beaucoup de gens viennent me dire "je suis du Real mais sincèrement, je vous félicite. J'aime bien cette équipe, ce qu'elle est et comme elle travaille". Je crois que depuis quelque temps, l'Atlético dégage une chose dont les gens ont beaucoup besoin dans la vie quotidienne : l'énergie. Nous montrons qu'au-delà des difficultés, chacun peut lutter avec ses propres outils, chacun peut trouver des solutions là où il ne semble pas y en avoir. Nous savons qu'aujourd'hui, il est difficile de trouver du travail, d'avoir une stabilité dans un même lieu… Mon équipe a réussi, avec beaucoup d'efforts et de continuité, à transmettre aux gens l'idée qu'on peut y arriver et que tout ne passe pas par l'argent. On peut aussi faire de belles choses avec un peu moins d'argent.

Imaginez-vous pouvoir être un jour le Sir Alex Ferguson de l'Atlético de Madrid ?
Je répète souvent que dans mon esprit, je peux être viré demain. C'est la meilleure manière que j'ai trouvée pour me préparer à vivre dans l'instant, car dans le football ce qui importe, au-delà de ce que vous avez gagné - et que personne ne pourra vous enlever -, c'est le lendemain. Je vois l'Atlético de Madrid comme un club qui vient de subir une très forte croissance et qui a de vraies possibilités économiques grâce aux résultats que nous avons obtenus. Les gens veulent y venir, et c'est une équipe dont la moyenne d'âge est très intéressante, avec pas mal de garçons qui ont encore plusieurs années de progression devant eux, les Jimenez, les Koke, les Godín. Nous avons les bases d'une équipe qui peut aller encore beaucoup plus haut.

Vous arrive-t-il de vous relâcher de temps en temps ?
Je n'aime pas ce mot, "se relâcher", car je sais que quand je me retrouve dans cet état, je perds. Cela ne veut pas dire que je ne me relâche jamais, mais j'essaye de lutter contre ça, car je ne me sens pas à l'aise dans le relâchement.

Mais vous allez quand même parfois au cinéma, ou vous prenez un livre… vous faites quand même parfois autre chose !
Oui, j'ai aussi la vie normale de Monsieur Tout-le-Monde, mais avec une responsabilité importante et une passion pour un jeu qui est toute ma vie. Quand votre vie entière s'incarne à ce point dans un jeu, c'est parfois très difficile. Quand je vais voir un film, je vois des joueurs passer devant l'écran, si vous voyez ce que je veux dire… C'est compliqué.

Vous a-t-on offert le poste de sélectionneur de l'Argentine après Brésil 2014 ?
Non, mais je sais que le moment viendra. Je dis toujours qu'en équipe nationale, il y a de la place pour le fils, le père et le grand-père. Je crois que le poste de sélectionneur est pour le grand-père, pour la personne la plus sereine, la plus calme, qui voit les choses de façon différente. Moi, je suis encore à moitié sur le terrain, en tout cas j'y suis tous les jours avec les joueurs. C'est quelque chose que vous ne pouvez pas avoir en équipe nationale. Maintenant, si vous me demandez si j'aimerais prendre en main la sélection, je vous répondrai oui, d'ici 12 à 14 ans. J'espère que cela coïncidera avec un moment où on aura besoin de moi, un moment idéal pour les deux parties.

À l'heure actuelle, le sélectionneur de l'Argentine ne peut pas se plaindre avec un Lionel Messi dans ses rangs…
Messi est déterminant, mais l'équipe peut être encore plus forte. Nous sommes passés très près lors du dernier Mondial et j'espère que Gerardo Martino, qui le connaît bien depuis son passage à Barcelone, saura mieux l'entourer et construire une vraie équipe. Plus l'équipe joue collectivement, meilleur est Messi.

Un peu de science-fiction : on vous propose le meilleur contrat, avec tout l'argent du monde, mais il y a une clause à respecter : vous ne pouvez entraîner que le Real Madrid ou la sélection brésilienne. Qui choisissez-vous ?
Ah, c'est dur... (rires) C'est dur… Je choisis de renoncer à l'argent !

Si on décernait le Ballon d'Or pour une qualité dans la vie privée, pour quelle qualité Diego Simeone le mériterait-il ?
Pour être un type transparent. Je suis ce que vous voyez. Je n'ai pas deux visages.

                                                                                               IN FIFA.com

Publié dans : Diego Simeone Albiceleste

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