Auteur :
Moumen Ait Kaci Ali
vendredi 13 mars 2020 14:12
Dans ce long entretien exclusif accordé au Buteur, l’ancien capitaine de l’EN, Carl Medjani, revient, avec sa franchise habituelle sur l’hommage que compte lui rendre la FAF. Ex-cadre influent dans ce groupe des Verts, Carl revient sur plusieurs vérités jamais divulguées concernant sa vie en sélection nationale.
Tout d’abord Carl, vous pourriez nous parler de votre situation sportive actuelle ?
Ça se passe bien, j’ai signé une licence amateur dans un club qui évolue au plus haut niveau où je vis en France. C’est un club présidé par un ami à moi. Je suis le parrain de cette équipe et on envisage de mettre en place un grand projet pour l’avenir. C’est aussi le club du début de ma carrière donc je prends du plaisir à jouer avec eux.
Vous préparez votre reconversion en parallèle ?
Oui, d’abord avec mon nouveau club où on a envie de fusionner deux ou trois clubs de la région pour créer un seul club, pour devenir plus performant. Ce projet devrait voir le jour l’année prochaine. Normalement, je devrais avoir un rôle important dans la gestion sportive de ce club.
Une riche carrière avec pas mal de grands clubs, on citera Liverpool et Monaco, que gardez-vous de votre parcours professionnel ?
J’ai eu la chance d’avoir joué pour des clubs de cinq pays différents. Cela m’a permis, sur le plan humain, d’apprendre beaucoup de choses. J’ai aussi découvert plusieurs cultures et aujourd’hui, je suis une personne meilleure dans le sens où j’ai connu plusieurs personnes dans le sport. Si on rajoute à cela le fait d’avoir été international algérien pendant 8 ans et été capitaine de cette sélection, j’ai vu des pays et des choses dans ce continent qui m’ont permis de relativiser dans la vie quotidienne et de ce qu’on peut vivre en tant qu’hommes. Je suis fier d’avoir eu une carrière riche sur le plan sportif et surtout sur le plan humain, cela n’a pas de prix.
En évoquant la sélection, les supporteurs de l’EN gardent de vous l’image d’un joueur qui a toujours mouillé le maillot, qu’est-ce que cela vous fait de l’apprendre ?
Pour moi, sur un terrain de football, c’est la chose la plus importante. Si on revient sur la consécration de l’EN, à la dernière CAN, c’est justement parce que tous les joueurs mouillaient le maillot et chacun a pu apporter son talent au collectif pour que l’équipe devienne championne. A un moment donné, on a eu beaucoup de talents en Equipe nationale mais tout le monde ne mouillait pas le maillot en même temps, ce qui fait que nous n’avons pas pu avoir les résultats qu’on aurait dû avoir avant. Maintenant qu’on garde de moi le souvenir d’un joueur qui se donne à fond e t mouille le maillot, cela me fait chaud au cœur car je suis quelqu’un qui connaît ses qualités et ses limites aussi dans le football. J’ai fait ma carrière au tour de ces valeurs-là, l’entraide, de combats et d’esprit guerrier. C’est ce que j’essayerai de transmettre aux générations futures et à mes enfants, inch’Allah.
C’est le cas de Mehdi Mostefa qui a aussi dépanné et joué dans tous les postes ?
Oui, Mehdi mérite le prix du sacrifice, tout comme Mesbah, Lacen et Rais Mbolhi, dont on n’en parle pas. J’ai envie de dire aujourd’hui qu’on n’a pas toujours très bien pris le fait qu’un binational rejoigne l’Equipe nationale, mais lorsqu’on regarde ces joueurs qu’on vient de citer, les vrais supporteurs de l’EN sont fiers d’eux et s’en souviendront toujours car il s’agit de joueurs qui n’ont jamais triché avec le maillot.
On vous surnommait cœur de lion, cela vous faisait quoi ?
Une grosse fierté. Auj o u r d ’ h u i , vous pouvez avoir le talent que vous voulez mais si vous trichez avec les fans de l’EN, vous en serez jamais accepté en Algérie. J’ai beaucoup moins de talent que d’autres joueurs mais j’ai toujours mis mon cœur et mon âme sur le terrain. Les supporteurs s’en souviendront longtemps.
Du coup, votre histoire avec votre grand-mère Allah Yerhamha, était bien réussie, elle t’a vu jouer avec l’Algérie ?
Oui, j’étais tellement fier de lui apporter ce bonheur car c’est grâce à elle que j’ai pu avoir la de chance de pouvoir jouer pour mon pays d’origine. Là où elle se trouve aussi, elle doit être toujours fière de m’avoir vu jouer et de représenter l’Algérie.
Carl, cette histoire des binationaux existe dans la tête de certains seulement, on vous a vu vous amuser bien avec Slimani, Soudani et très proche de Belkalem, comment l’avez-vous vécu sincèrement ?
Vous savez, on a prouvé tout le temps et notamment en 2013-2014 lors de cette campagne des éliminatoires pour la CM 2014 qu’on était une seule famille. On avait un groupe d’hommes. D’ailleurs, on nous surnommait «les Hommes». Slimani était considéré comme un Algérien au même titre que Medjani, Mesbah ou je ne sais qui parce que sur le terrain, on donnait tout. C’est ce que j’ai pu voir lors de la derrière CAN 2019 avec par exemples Atal et Belaili. Ils avaient le même sentiment d’appartenance à l’Algérie qu’un Andy Delort ou Bennacer. C’est ce qui a fait la force de la sélection d’aujourd’hui et celle de demain. Aujourd’hui, on est là pour réunir et non pas pour diviser. Le produit local, lorsqu’il est mis dans de bonnes conditions, dans un cadre saint et rigoureux, l’Equipe nationale était plus forte.
Concernant Andy Delort, vous avez refusé de parler de ce joueur avant sa venue en sélection, maintenant qu’avez-vous à dire de l’apport de ce joueur que vous avez connu très jeune ?
Je ne voulais pas parler de lui car il avait besoin de sérénité. Maintenant, Andy je l’ai connu je crois à 20 ans, c’est quelqu’un qui est fier de ses origines, je l’ai toujours considéré comme un petit frère. A Ajaccio, il a du respect pour Mehdi Mostafa, Cavalli et moi. Il était jeune et on l’avait bien pris sous notre aile. Aujourd’hui, on est fier de ce qu’il est en train de faire avec Montpellier et surtout en Equipe nationale. Il a montré aux supporteurs de l’EN qu’il avait une réelle envie de porter ce maillot et de le mouiller. Andy, c’est un vrai guerrier sur le terrain, il peut rendre d’énormes services, notamment sur les terrains d’Afrique.
Il vous a demandé conseil ?
Bien sûr ! Aujourd’hui, les gens qui sont à la tête de l’Equipe nationale savent ce que j’ai fait pour introduire Andy en Equipe nationale, histoire de l’aider à vite s’intégrer. Il était méconnu et j’ai fait savoir à certaines personnes qu’il était quelqu’un de fiable sur lequel on pouvait compter et qu’il avait une réelle envie de défendre les couleurs et le maillot. Aujourd’hui, on a besoin de personnes qui veulent venir d’eux-mêmes. En d’autres termes, le joueur qui veut venir jouer pour l’EN est le bienvenu mais nous, on ne doit pas poser un genou à terre pour faire venir quelqu’un, c’est la personne qui veut venir qui doit le poser et pas l’inverse.
C’est clair, net et précis, on veut juste revenir sur l’annonce de votre retraite …
Je dois dire d’abord que je suis honoré et fier que la FAF, le coach Djamel Belmadi ainsi que tous les supporteurs de l’EN veulent me rendre cet hommage. Cela signifie que je ne suis pas passé inaperçu. C’est quelque chose qui me comble de bonheur. Concernant ma retraite, l’EN avait besoin de sang neuf, pour préparer les prochaines années. J’avais eu une discussion avec l’ex-coach Alcaraz et le président Zetchi, j’ai évoqué mon départ pour laisser ma place aux jeunes. Après, Madjer m’a demandé de repousser ma retraite car il avait besoin de moi pour encadrer le groupe. J’ai essayé de garder ce lien entre les binationaux et des locaux qui arrivaient. Du coup, je défie tout joueur local de me dire qu’il a été mal reçu par Carl Medjani en sélection. Après, Madjer est parti et Djamel m’a appelé, on a discuté au téléphone au sujet de ma retraite. J’ai juste envie de dire qu’on avait réclamé Belmadi depuis des années, c’est-à-dire depuis l’ère de l’ancien président jusqu’à la venue du président Zetchi. On a poussé depuis des années, Rais, Feghouli, Mahrez, moi-même pour que Djamel nous rejoigne.
Pour finir cette première partie, on peut dire que cela sous-entend qu’il n’a jamais été un choix par défaut comme certains veulent le faire croire…
C’est loin d’être le cas, Djamel a été le choix numéro 1 des joueurs de l’Equipe nationale depuis pas mal d’années. C’est clair, net et précis. J’ai été le capitaine de l’EN et je peux l’attester. Je mets ma parole et mon honneur que tous les joueurs de l’EN le réclamaient. Aujourd’hui, on est fiers de lui car il a fait de notre groupe, une équipe championne d’Afrique.
Entretien réalisé par Moumen Ait Kaci Ali
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