Auteur :
Saïd Fellak
jeudi 19 juin 2014 22:03
Pour revenir sur la défaite concédée par l’EN mardi dernier devant la Belgique, on a pris attache hier avec l’ancienne gloire des Verts des années 1980 et ex-sélectionneur national, en l’occurrence Rabah Madjer. Connu pour son franc-parler, l’ex-vedette du FC Porto n’est pas allée pas mille chemins pour dénoncer une nouvelle fois la politique de la fédération, responsable, d’après-lui, de ce premier échec. Madjer a tenu à apporter son soutien au sélectionneur national, bien qu’il ait remis en cause ses choix tactiques lors de cette partie devant les Diables Rouges. Entretien.
Tout d’abord, on aimerait avoir votre avis sur la défaite de l’EN devant la Belgique.
Même si je n’ai pas vraiment pas le droit de faire des analyses, je dirai que c’est une défaite qui m’a touché, comme tous les Algériens. On avait le match en main, mais malheureusement, on n’a pas su gérer la situation. Je pense qu’on a payé cash le manque de compétition de certains joueurs. Après, je ne sais pas exactement ce qui s’est réellement passé, car je ne voudrais surtout pas entrer dans les détails et notamment dans le travail du coach.
Mais comment analysez-vous les deux visages de l’EN durant ce match ?
Je pense qu’on avait peur de l’adversaire. Celui-ci faisait le jeu et nous, de notre côté, on est restés constamment en défense. Comme on dit «Qui n’avance pas recule.» Les Belges ont profité de la situation et on a vu que Wilmots a été très intelligent. Il a fatigué notre équipe, puis il a fait entrer trois joueurs, à savoir, Mertens, Fellaïni et Origi, qui ont changé complètement les données de la rencontre.
Le plus dur sera de se relever à présent, n’est-ce pas ?
Oui, c’est certain. Désormais, le match de la Belgique est passé et on doit se focaliser sur nos deux prochains matchs. Après, les questions que je me pose : Est-ce qu’on était prêts pour ce Mondial ? Est-ce qu’on a fait une préparation adéquate ? Je ne sais pas…
Justement, on aimerait rebondir sur ça. Après cinq semaines de préparation intensive, certains joueurs ont exprimé leur mécontentement en raison de la charge physique intense imposée par le staff technique. Halilhodzic s’est défendu et a expliqué que l’EN allait récolter les fruits de ce travail lors du Mondial. Cependant lors de ce match face à la Belgique, on a vu que l’équipe a baissé le pied et peiné à terminer son match sur le plan physique…
Je ne suis pas là pour faire un procès. Un joueur doit être professionnel et faire confiance à son entraîneur. Il est là pour travailler, sans plus. Maintenant, comme je l’ai dit tout à l’heure, est-ce que notre équipe était prête pour le Mondial ? Est-ce qu’il y avait une bonne stratégie ? Une préparation adéquate ? Ce sont les questions qu’on doit poser.
Cette défaite incombe à qui, selon vous ?
Il faut tout d’abord accepter cette défaite et savoir aller de l’avant. Elle nous fera beaucoup de bien en perspective des deux prochains matchs. Cet échec est la responsabilité de tous, pas uniquement de l’entraîneur. Après, ce dernier, doit revoir quelques aspects et corriger les erreurs commises lors de ce premier match. Il ne faut pas trouver d’excuses à chaque fois.
Ne pensez-vous pas qu’on a sans doute trop respecté cette équipe belge, qui, faut-il le dire, n’a pas montré grand-chose, notamment en première période ?
Je l’ai dit auparavant qu’il ne fallait pas tomber dans le piège de la Belgique. Je reste persuadé que nos responsables se sont référés surtout au match amical qui a opposé les Belges à la Tunisie. Ce soir-là, les Tunisiens avaient posé beaucoup de problèmes à leur adversaire. Ils ont bien joué défensivement et amorcé des contres. J’ai constaté que l’EN a évolué avec la même tactique qu’a jouée la Tunisie. Il ne fallait pas copier les autres. Quand une équipe entre sur le terrain, elle doit jouer surtout avec ses qualités. Il ne fallait pas jouer uniquement en défense. Et permettez-moi d’ajouter quelque chose.
Oui, allez-y.
Quand une équipe joue uniquement en défense, elle encourage en fait l’équipe adverse. Celle-ci se dira qu’ils ont peur de nous. La meilleure option est de pratiquer son football, attaquer et aller de l’avant, sans oublier d’assurer ses arrières aussi.
Vous savez ce que vous dites, puisque en 1982, l’Algérie a affronté l’Allemagne sans peur et on a vu le résultat au final…
Exactement. Vous savez, l’Algérie depuis les années 1970 jusqu’à la fin des années 90 jouait essentiellement avec des joueurs locaux. Elle pratiquait le football à l’algérienne et c’était ça notre grande force. On ne donnait pas trop d’importance au jeu défensif. On attaquait constamment. Depuis le début des années 2000, et l’arrivée d’une nouvelle fédération, tout a été chamboulé. On a opté pour une autre stratégie, à savoir celle de ramener exclusivement des joueurs formés à l’étranger, dans les écoles françaises. Ils ne pourront du coup pas jouer notre football habituel.
Le plus surprenant, c’est que Vahid et durant ses trois années de règne a toujours critiqué le jeu défensif de son prédécesseur, à savoir Saâdane, pour faire quasiment de même au final lors de ce premier match du Mondial…
Saâdane aussi avait le même problème qu’a Halilhodzic actuellement. Il avait des joueurs formés tous en Europe. Ça ne nous permet pas de jouer à l’algérienne.
Halilhodzic aurait pu incorporer des joueurs comme Djabou ou bien Brahimi, qui auraient pu amener un plus à l’attaque, non ?
A mon avis, ils n’auraient rien ramené du tout et je vais vous dire pourquoi. L’équipe actuelle, sa culture est inspirée de l’école française. A notre époque, on avait une toute autre culture du football. On jouait automatiquement l’attaque. En 1990, on avait gagné la CAN avec essentiellement des joueurs locaux, mais depuis, les choses ont carrément changé.
Donc, vous remettez carrément en question la composante actuelle de l’EN…
J’ai beaucoup de respect pour les joueurs, mais ce n’est pas leur faute. Ils jouent un football qu’on leur a appris dans les écoles françaises. Une équipe nationale doit se former tout d’abord avec les meilleurs locaux, renforcés par les meilleurs joueurs qui évoluent à l’étranger. On doit aussi savoir garder l’ossature de l’équipe et travailler avec. C’était le cas dans les années 1980 et c’est ce qui a fait notre réussite.
Comment voyez-vous les deux prochains matchs face respectivement la Corée du Sud et la Russie ?
Il faut bien les négocier si on veut vraiment se qualifier. On a eu l’opportunité de voir les deux équipes durant ce Mondial. La Corée du Sud a montré du beau football face à la Russie. Une équipe avec beaucoup de personnalité sur le terrain et pleine d’efficacité. On va attendre qu’elle visage montrera l’EN. En tous les cas, dans ce genre de compétition, il n’y a pas de petites équipes. C’est le véritable haut niveau.
Vous êtes optimiste quant à la possibilité de l’EN de passer ce 1er tour ?
Vous savez, des fois, je refuse de donner mon avis car les gens ont tendance à ne pas comprendre véritablement mon message, et pour répondre à votre question, je dirai que je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Tout dépendra du comportement des joueurs. On a vu durant ce Mondial que toutes les équipes ont une stratégie bien définie. Croyez-moi, j’ai peur de dire n’importe quoi. Après, il ne faut pas incriminer les joueurs aussi, ce n’est pas leur faute.
C’est la faute à qui ?
C’est la faute à beaucoup de choses. A la politique actuelle de notre sélection notamment qui n’est pas en équation avec les traditions footballistique de notre pays.
On vous laisse conclure…
Il faut arrêter de tirer constamment sur l’entraîneur. On doit le laisser travailler et on verra après. Et si on se fait éliminer au bout du premier tour, ce n’est pas la fin du monde aussi.
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